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Cerrone, la légende du disco

Publié le 12 février 2025

— Cerrone - © Stéphane de Bourgies

Il a fait chavirer les pistes de danse du monde entier grâce à son sens du rythme et à sa science des arrangements. Cerrone transfigure ses morceaux iconiques au fil d’une odyssée symphonique menée avec le Scoring Orchestra.
— Cerrone : Disco-Symphonic | Entretien

Mes débuts

Comment ai-je atterri dans la musique ?  Par accident, parce que j’étais extrêmement turbulent, je tapais partout à l’école. À force de me faire virer, ma mère a eu la bonne idée de me dire que, si j’arrivais à me concentrer un petit peu… Elle m’a dit : « si tu contrôles ça, je t’offrirai une batterie à la fin de l’année scolaire ». Donc elle m’a offert à l’âge de 12 ans une batterie. Mais à partir du moment où elle me l’avait dit, dans toutes les musiques que je pouvais entendre à la radio ou à la télé, je n’entendais même plus l’orchestre ou les chanteurs, je n’entendais que le batteur. Et je suis rentré dans cette fascination de l’instrument qu’était la batterie. 

Ensuite je suis devenu batteur, j’ai fait beaucoup de groupes, de plus en plus en plus importants. À un moment donné, j’ai voulu un petit peu tenter seul, sans penser que ça allait marcher parce que j’ai mis très en avant la batterie. Et quand j’ai voulu signer des contrats et essayer de proposer mes enregistrements et mes compositions à des maisons de disques, personne n’a compris à l’époque pourquoi cette batterie était si en avant. J’avais beau leur expliquer : « je suis batteur, ça me paraît un peu logique », c’était une période où les artistes étaient des chanteurs. Ce n’étaient pas les musiciens qui se mettaient en avant. J’ai eu le refus catégorique, unanime, français. 

Je fais faire quelques vinyles, pour en vendre un petit peu, pour le plaisir. Il s’avère que les Américains sont tombés sur ces vinyles, et c’est parti là-bas. J’ai eu vent de ce qui se passait, j’ai eu le culot d’aller aux États-Unis avec un copain – je ne parlais pratiquement pas anglais – et j’ai sonné à la première porte qui s’appelait Atlantic Records, qui était à l’époque le plus gros label au monde. On m’a écouté, on m’a entendu, on a signé. Love in C minor est sorti et ça a fait plus de trois millions d’albums. Évidemment, après on m’a demandé de faire un deuxième album, qui s’appelait Paradise. Je m’en foutais tellement parce que je savais que c’était la fin. C’était de la provoc, pas méchante, mais parce que je me disais : « salut, je m’en vais ! ». Et Paradise a marché aussi fort. Bon… je continue ! Là les Américains me demandent de venir m’installer aux États-Unis, me prêtent une maison à Beverly Hills, organisent tout. Je fais une tournée qui dure presque un an. Dans tout ça, je ponds un troisième album qui s’appelle Supernature. Et Supernature était encore plus original que Love in C minor, c’était l’un des premiers albums synthé. La suite, vous la connaissez : j’ai fini il y a quelques mois en faisant danser la tour Eiffel pour les JO.

La longue carrière du disco

Pourquoi Love in C minor a été un événement en 1976 ? Déjà parce que la longueur du titre faisait 16min30. Ce n’était absolument pas commun et les maisons de disques critiquaient ça parce que cela ne pouvait pas passer à la radio. Et moi je ne voulais surtout pas passer à la radio. Je ne l’aurais pas interdit mais ce n’était pas le but. Le but était de servir de la musique, de produire de la musique, à un mouvement qui arrivait qui s’appelait la disco. C’était quoi la musique de discothèque ? C’était à 180 degrés de ce qu’on entendait dans les clubs à l’époque, qu’on appelait des night clubs. Dans les night clubs, les DJ ne diffusaient que les hit-parades qu’on entendait à la radio alors que la disco c’était l’envers. C’était de la musique avec peu de lyrique, mais c’était de la musique pour ambiancer les corps, pour vraiment amener les gens non pas à écouter les paroles et les rechanter par-dessus, mais à danser, à bouger, à se libérer. Ça, c’était en 1975-76. J’ai été comme une poignée de producteurs – Giorgio Moroder, Nile Rodgers… –, on était quatre-cinq à produire de la musique pour les discothèques, pour ce mouvement qui arrivait. La disco ce n’est pas un titre pop qu’on fait avec des cordes et un pied très en avant de batterie. Non, c’est un état d’esprit. 

Pour la disco, il fallait trouver des grands lieux. Le Studio 54 a été le premier, il a trouvé un théâtre. Il y a eu Le Palace aussi en France. Dans toutes les capitales du monde, ils ont pris des cinémas, des lieux comme ça, parce qu’il fallait de gros lieux. Il fallait l’exubérance.

La disco n’a jamais disparu. Elle a été plus ou moins mise en avant, sous la lumière, mais dans les discothèques elle a toujours été jouée. Avec des titres house, garage, electro, EDM… ce qu’on veut. Mais cela reste de la musique de danse. Alors que la pure disco, celle que les DJ reconnaissent, dans laquelle ils se sont engouffrés, qu’ils ont adaptée, samplée, pour en faire des choses actuelles, revenant chaque décade de plus en plus à l’originale de la disco, elle n’a jamais disparu. Je crois que c’est l’un des seuls styles musicaux qui a une aussi longue carrière, à part la musique classique.

Disco-symphonic – 21 février 2025

Il y a cette date, le 21 février, qui m’importe beaucoup. Je suis excité par cette date. C’est l’ouverture d’une tournée. On va être cinquante-trois sur scène avec un chef incroyable, Randy Kerber, et mon équipe de musiciens que j’ai toujours. C’est un moment assez glorieux pour moi. 

Après un début de carrière à la tête du groupe pop-funk Les Kongas, Cerrone s’est envolé en solo au mitan des années 1970. Dès son premier album, Love in C Minor (1976), sur lequel apparaît en particulier la renversante chanson-titre longue de plus de 16 minutes, il a décroché la timbale et s’est imposé comme l’un des grands artificiers d’un flamboyant nouveau style musical : le disco. On lui doit plusieurs autres hymnes emblématiques de ce style, notamment « Give Me Love » et « Supernature », figurant tous deux sur l’album Cerrone 3 : Supernature (1978).