La série Les Clés du classique nous fait découvrir les grandes œuvres du répertoire musical.
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Les extraits de la Symphonie fantastique d'Hector Berlioz sont interprétés par le London Symphony Orchestra, sous la direction de Valery Gergiev. Ce concert a été enregistré à la Salle Pleyel le 16 novembre 2013.
Retrouvez l'intégralité du concert sur Philharmonie à la demande.
Hector Berlioz : la Symphonie fantastique
5 décembre 1830, le Tout-Paris se presse dans la salle du Conservatoire. Depuis mai, on attend avec impatience la nouvelle œuvre d’Hector Berlioz. À vrai dire, on ne sait pas trop à quoi s’attendre… Jusque-là, personne ne comprend bien la musique de ce jeune compositeur, souvent jugée bizarre. Mais ce soir de décembre 1830, la donne va changer. Berlioz parle lui-même d’un « succès extraordinaire » : « La Symphonie fantastique a été accueillie avec des cris, des trépignements, raconte-t-il. [...] C’était une fureur. Liszt, le célèbre pianiste, m’a pour ainsi dire emmené de force dîner chez lui en m’accablant de tout ce que l’enthousiasme a de plus énergique. »
Il faut savoir que 1830 est une année charnière. En politique, c’est le renversement de la Restauration et l’avènement de la monarchie de Juillet conduite par Louis-Philippe. Du côté de la littérature, c’est la bataille d’Hernani et la révolution de l’art dramatique suite à la première de la pièce Hernani de Victor Hugo. Berlioz va lui aussi bouleverser les codes. La Symphonie fantastique s’inscrit dans cette époque de grands changements et va ouvrir la voie à la musique à programme, c’est-à-dire à une musique narrative, descriptive, inspirée d’un élément extra-musical.
La Symphonie fantastique est en grande partie autobiographique. L’histoire est connue : en 1827, alors qu’il assiste à une représentation d’Hamlet de Shakespeare, Berlioz a un coup de foudre pour l’interprète d’Ophélie, la comédienne irlandaise Harriet Smithson. Par la suite, il va tenter par tous les moyens d’entrer en contact avec elle : il va lui écrire, se rapprocher de son impresario… Mais rien n’y fait, Harriet reste insensible. C’est la cruauté de cette passion non partagée qui est au cœur de la Symphonie fantastique.
Découpée en cinq mouvements, l’œuvre brosse le portrait d’un jeune artiste, fou amoureux d’une femme qui réunit tous les charmes de l’être idéal. C’est là l’idée fixe qui hante l’Allegro initial, Rêveries – Passions. Le deuxième mouvement, intitulé Un bal, est une valse gracieuse et délicate. Mais au milieu du tumulte de la fête, l’idée fixe, pensée obsédante, ressurgit dans l’esprit de l’artiste. Suit un mouvement lent, la Scène aux champs, qui se déroule un soir d’été à la campagne – peut-être un clin d'œil à la Symphonie « Pastorale » de Beethoven. Encore une fois, ce moment empreint de douceur est troublé par l’idée fixe. Dans le quatrième mouvement, Marche au supplice, le style change soudainement. Accablé par la douleur, l’artiste prend une forte dose d’opium qui l’entraîne dans de sombres cauchemars. Il rêve qu’il a tué sa bien-aimée et qu’il est condamné à l’échafaud. Vient alors le Songe d’une nuit de sabbat, où, pour ses propres funérailles, notre héros est entouré de monstres en tous genres. Bruits étranges, gémissements, éclats de rire, parodie du Dies iræ, déformation de l’idée fixe… c’est le moment le plus démoniaque de la symphonie. Et d’un point de vue musical, c’est certainement le plus audacieux.
Robert Schumann saluera l’ensemble de l’œuvre, séduit par les « libres sinuosités… rapports de rythme librement unis et combinés avec les dissemblables… enchaînements harmoniques hardis ». L’année 1830 est l’année de tous les succès pour Berlioz : en plus de la réussite de sa Symphonie fantastique, il remporte enfin le prestigieux Prix de Rome et la pension qui l’accompagne, après plusieurs tentatives infructueuses. Grâce à cela, il pense pouvoir enfin épouser Camille Moke, qui a remplacé la fameuse Harriet Smithson dans son cœur. Mais l’histoire lui réservera autre chose…