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Les Clés du classique #23 - Le Carnaval des animaux de Saint-Saëns

Publié le 29 septembre 2022 — par Charlotte Landru-Chandès

9 mars 1886. C’est mardi gras et tout le gratin musical parisien est réuni chez le violoncelliste Charles Lebouc. On y trouve le compositeur Louis Diémer, le flûtiste Paul Taffanel, mais aussi le pianiste et compositeur Camille Saint-Saëns. Ce jour-là, Saint-Saëns fait découvrir sa dernière création en date, une fantaisie zoologique appelée Le Carnaval des animaux.

La série Les Clés du classique vous fait découvrir les grandes œuvres du répertoire musical.

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Les extraits du Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns sont interprétés par l'ensemble Anima Eterna Brugge, sous la direction de Jos van Immerseel. Ce concert a été enregistré à la Salle Pleyel le 20 janvier 2013.

Retrouvez l'intégralité du concert sur Philharmonie à la demande.


Camille Saint-Saëns, Le Carnaval des animaux

C’est en Autriche, dans les environs de Vienne, que Saint-Saëns a composé son Carnaval des animaux. À cette époque, sa réputation n’est plus à faire. Il est l’un sinon le plus grand compositeur français de l’époque. Il a été élu à l’Académie des Beaux-Arts, il est officier de la Légion d’honneur, et surtout, il a fondé la Société Nationale de Musique qui valorise les œuvres de compositeurs français. À 50 ans, Saint-Saëns est l’auteur de quatre concertos pour piano, trois concertos pour violon, un pour violoncelle, plusieurs symphonies et œuvres orchestrales, sans oublier ses opéras, dont La Princesse jaune ou encore Samson et Dalila. Au sein de toute cette production, Le Carnaval des animaux va profondément détonner…

L’œuvre se présente comme une parodie, une grande farce. Nous sommes bien loin du Saint-Saëns sérieux et conservateur auquel le public est habitué…  Après sa création le jour de mardi gras, l'œuvre est à nouveau donnée à la mi-carême, puis le 2 avril de la même année, chez la cantatrice Pauline Viardot, à l’occasion d’un concert privé en l’honneur de Franz Liszt. Mais malgré le succès de l'œuvre auprès de ses amis, Saint-Saëns va interdire sa publication et même son interprétation en public! Une seule pièce, «Le Cygne», de caractère plus introspectif, échappera à cette stricte autocensure.

Le Carnaval des animaux, venons-y. Il est écrit pour un ensemble instrumental peu commun: deux pianos, deux violons, un alto, un violoncelle, une contrebasse, une flûte (également piccolo), une clarinette, un harmonica de verre (ou un célesta) et un xylophone. L'œuvre est composée de 14 mouvements et dépeint une galerie d’animaux originaux et exotiques. Parmi eux, les hémiones, qui sont des ânes sauvages d’Asie, des kangourous, un éléphant ou encore un lion…

Il ne faut pas oublier que Saint-Saëns est un grand voyageur. Ce n’est donc pas étonnant de trouver des animaux plutôt exotiques dans son bestiaire. Au cours de sa vie, le compositeur visite pas moins de 27 pays! Il séjourne 19 fois en Algérie, 15 fois en Égypte. Il se rend aussi au Maroc, en Tunisie, aux États-Unis, en Amérique du Sud, en Russie… Il est bien difficile de trouver une partie du monde où il n’est pas allé!

Le Carnaval des animaux regorge de parodies. Par exemple, «Les tortues» sont un pastiche du galop infernal d’Orphée aux Enfers d’Offenbach, joué ici dans un tempo très lent. Autre exemple de pastiche avec «L'Éléphant», où Saint-Saëns reprend le Ballet des sylphes de La Damnation de Faust de Berlioz. Il utilise alors une contrebasse, bien loin de la grâce des danseuses. Dans les «Fossiles», pièce emblématique du Carnaval des animaux, Saint-Saëns parodie sa propre Danse macabre –un xylophone imite les os qui s’entrechoquent– mais aussi des comptines comme «J’ai du bon tabac» et «Ah, vous dirai-je Maman», ou encore l’air de Rosine dans Le Barbier de Séville de Rossini. 

Dans cette fantaisie zoologique, on trouve aussi beaucoup de volatiles, un cygne, on l’a dit, mais aussi des poules et coqs, un coucou au fond des bois, et toute une volière. Le compositeur brosse également le portrait de personnages à longues oreilles, dépeint un aquarium et surtout, parmi les différents spécimens, Saint-Saëns s’attaque aussi… aux pianistes, qu’il considère donc comme des animaux!

En plus d’être un grand compositeur, Camille Saint-Saëns est un brillant pianiste.  Il a donné son premier concert Salle Pleyel à l’âge de 11 ans et a intégré le Conservatoire de Paris à 13 ans. Pour se moquer des pianistes en herbe, dans son Carnaval, il demande aux interprètes «d’imiter le jeu d’un débutant et sa gaucherie». Ainsi, on entend des gammes –avec des fausses notes bien sûr– interrompues par les cordes, excédées par ce jeu médiocre. Saint-Saëns clôt son Carnaval par un Finale qui fait revenir tout le bestiaire, dans une ronde festive et enthousiaste.

Saint-Saëns reste malgré tout très attaché à la tradition classique; Le Carnaval des animaux se présente donc comme une parenthèse humoristique et caricaturale, avant la reprise de travaux plus sérieux, comme sa Symphonie n°3 «Avec orgue» qui sera créée la même année.

Charlotte Landru-Chandès

Charlotte Landru-Chandès  collabore à France Musique, La Lettre du Musicien et Classica. Elle conçoit des podcasts pour l'Opéra national de Paris et la Philharmonie de Paris.

Un podcast de Charlotte Landru-Chandès, réalisé par Taïssia Froidure. Une production Cité de la musique - Philharmonie de Paris.