La série Les Clés du classique vous fait découvrir les grandes œuvres du répertoire musical.
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Les extraits du Concerto pour piano n° 3 de Rachmaninoff sont interprétés par le Russian National Orchestra dirigé par Mikhail Pletnev avec Nikolaï Lugansky au piano. Concert enregistré le 17 octobre 2011 à la Salle Pleyel à Paris.
Retrouvez l'intégralité de ce Concerto pour piano n° 3 sur Philharmonie à la demande.
Le plus périlleux des quatre concertos pour piano de Rachmaninoff
Dans l’esprit de son compositeur, ce concerto en ré mineur sera comme une carte de visite. Il lui permettra de mettre en valeur ses talents de pianiste et de compositeur. Ainsi, l’œuvre ne manquera pas d’élans lyriques et de coups d’éclat, même si elle ne se résumera évidemment pas qu’à cela ! Pour l’heure, c’est dans un cadre bien différent des tumultueux États-Unis que va naître le Concerto pour piano n° 3. Rachmaninoff le compose à Ivanovka, dans la propriété de ses cousins, les Satine, entre le printemps et l’automne 1909. Ivanovka, c’est un lieu familier et cher au compositeur, en plein cœur de la steppe. Le village est situé au sud-est de Moscou, à environ une nuit de train.
Dans ses Réflexions et Souvenirs, Rachmaninoff raconte : « C’est toujours là que j’allais lorsque j’avais besoin de repos, de calme complet, ou au contraire lorsque j’avais un travail exigeant de la concentration. Le calme environnant m’aidait beaucoup. » Le domaine comprend un grand parc, avec des arbres cinquantenaires, un verger et un étang. Un cadre serein et bucolique, avec des champs à perte de vue, qui a probablement inspiré les plus belles pages du Concerto.
À l’automne 1909, alors âgé de 36 ans, Rachmaninoff embarque pour les États-Unis. Les délais sont serrés. Pendant la traversée, il répète le Concerto sur un clavier muet, dans l’urgence. Le 28 novembre 1909, à New York, le Concerto pour piano n° 3 est créé sous la direction du chef Walter Damrosch, avec le compositeur au clavier. Si la critique se montre assez dure, c’est tout de même un pari réussi : le public est conquis ! Il réclame un bis. Mais la partie soliste est si monstrueuse que Rachmaninoff en ressort les doigts meurtris et se montre incapable de rejouer quoi que ce soit ! Quelques semaines plus tard, en janvier 1910, il redonne l’œuvre sous la direction de Gustav Mahler.
De forme classique, le Concerto se découpe en trois mouvements. La mélodie qui ouvre le premier frappe par sa simplicité. Certains y voient un écho à de vieilles mélodies religieuses russes. La renommée du Concerto est surtout liée à la redoutable cadence qui clôt le premier mouvement. Le compositeur en a écrit deux versions. Si le degré de difficulté de la première est déjà considérable, rien à voir avec la deuxième version ! Plus longue, elle voit déferler un flot de puissants accords, exigeant force et vivacité. Mais c’est la première version à laquelle nous sommes habitués. Vient ensuite l’Intermezzo, le mouvement lent, original par sa structure. L’orchestre énonce un long thème, ensuite repris sous forme de variations par le soliste. C’est un mouvement empreint de poésie et lyrisme. Le Finale s’enchaîne directement. Page rythmique et virtuose, il permet au soliste de briller.
Le Concerto n °3 est le plus périlleux des quatre concertos pour piano de Rachmaninoff. Il demande une technique exceptionnelle. Son dédicataire, Josef Hofmann, l’un des plus grands virtuoses de l’époque, refusera de le jouer. Ce n’est donc pas lui, mais Vladimir Horowitz qui en sera le premier grand interprète, après Rachmaninoff. C’est grâce à lui, dans les années 1930, que le Concerto, d’abord boudé, commencera à s’imposer.