La série Les Clés du classique vous fait découvrir les grandes œuvres du répertoire musical.
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Les extraits de la Symphonie n°6 «Pathétique» de Tchaïkovski sont interprétés par l’Orchestre du Conservatoire de Paris, dirigé par Alain Altinoglu. Concert enregistré à la Salle Pleyel le 17 décembre 2010.
Retrouvez l’intégralité du concert sur Philharmonie à la demande.
Piotr Ilitch Tchaïkovski est l’auteur de six symphonies, composées entre 1866 et 1893, à l’apogée du romantisme. C’est aussi l’époque des symphonies de Brahms, de Bruckner ou encore de Dvořák. En Russie, Tchaïkovski est l’un des principaux compositeurs à s’essayer au genre. Son don pour la mélodie est indiscutable; son œuvre déborde de lyrisme et de poésie.
Contrairement aux trois premières, les trois dernières symphonies de Tchaïkovski relèvent de la musique à programme, une musique narrative, descriptive– composée d’après un élément extra-musical. La Quatrième Symphonie de Tchaïkovski introduit le thème du fatum, une «force fatale qui empêche l’aboutissement de l’élan vers le bonheur»– thème qui hantera aussi la Cinquième Symphonie.
Quelques années plus tard, Tchaïkovski entreprend l’écriture d’une nouvelle symphonie, en mi bémol majeur. Mais il en est mécontent. En février 1893, il écrit au compositeur Mikhaïl Ippolitov-Ivanov: «J’avais une symphonie prête, mais j’en ai été déçu et je l’ai déchirée.» Il ajoute néanmoins: «J’ai eu le temps d’en composer une nouvelle, et celle-là, à coup sûr, je ne la déchirerai pas.» Cette symphonie, c’est la Pathétique.
Tchaïkovski a 53 ans quand il se lance dans l’écriture de sa Sixième Symphonie, en 1893. L’essentiel de l’œuvre est composé à Kline, une petite ville au nord-ouest de Moscou où le compositeur possède une résidence. Si la Sixième Symphonie a bien un programme, le compositeur le garde secret. «Qu’on le devine», dit-il mystérieusement. Ce qui est sûr, c’est qu’elle est probablement la plus personnelle des six symphonies. Tchaïkovski précise: «Ce programme est profondément empreint de sentiments subjectifs, et maintes fois, au cours de mes pérégrinations, en la composant mentalement, j’ai beaucoup pleuré.»
C’est Modeste, le frère de Tchaïkovski, qui donne à la symphonie son titre de «Pathétique». Douloureuse, tourmentée, elle est une sorte de chant du cygne, de requiem. Le sujet caché de l’œuvre serait peut-être celui de l’existence même du compositeur… Chose remarquable, très rare dans l’écriture d’une symphonie, l’œuvre s’ouvre et surtout se clôt par un mouvement lent, ici en si mineur.
Le premier mouvement débute par une sombre introduction, aux accents tristes et plaintifs. Certains musicologues voient dans le thème exposé au basson la traduction musicale du mot russe pomogite, autrement dit «aidez-moi!», «au secours!». La musique s’emballe, traduisant une forme d’urgence. Bientôt, l’affolement laisse place à un second thème, doux et chantant.
Le deuxième mouvement, noté Allegro con grazia, est probablement le plus célèbre de la symphonie. Il s’agit d’une valse gracieuse à cinq temps, une mesure courante dans la musique populaire russe. Mais même dans ce mouvement, aux couleurs chatoyantes, la souffrance est bien présente. Une citation du Kallis Mari (Chère Marie), chanson estonienne, ramène le compositeur à ses angoisses.
Le troisième mouvement est un scherzo en sol majeur, joyeux, affirmé et très rythmique, qui contraste avec le reste de la symphonie.
Le quatrième mouvement «ne sera pas un bruyant allegro mais un long adagio ». Ces mots de Tchaïkovski témoignent de son entorse à la tradition, Précédemment, le compositeur nous avait habitués à des finals rapides et dynamiques. Ici, c’est tout l’inverse, d’autant plus que l’adagio est noté lamentoso. Il traduit la grande souffrance d’un homme désespéré qui a perdu l’espoir. C’est un mouvement recueilli, doux et triste, qui s’ouvre et se referme par une lamentation.
La Symphonie « Pathétique » est créée le 16 octobre 1893 à Saint-Pétersbourg, sous la direction du compositeur. Tchaïkovski meurt seulement trois semaines plus tard, le 6 novembre, sans doute du choléra. Certains pensent qu’il se serait plutôt suicidé pour échapper à un scandale lié à son homosexualité.
Peu après sa mort, la Pathétique, dédiée à son neveu Vladimir Davydov, est exécutée une deuxième fois, sous la baguette d’Eduard Nápravník. C’est un triomphe !