Le Poème Harmonique, qui a récemment fêté ses vingt-cinq ans d’existence, propose de faire entendre les « autres » Vêpres de Monteverdi : non plus celles, célèbres, de 1610, mais celles qui ont pu résonner à la fin de sa vie, en 1643, dans la célèbre église Santa Maria Gloriosa dei Frari de Venise – là même où il sera enterré quelque temps plus tard.

En 1643, quelques mois avant sa mort, Monteverdi livre au public vénitien le plus vaste répertoire de musique sacrée de son existence, dont on dit communément qu’il s’agit de son testament musical. Extraites de cette édition aussi illustre qu’unique, appelée Selva Morale e Spirituale (littéralement « forêt morale et spirituelle »), les Vêpres à la Vierge ici proposées forment l’exact pendant des Vêpres à la Vierge de 1610 que le compositeur fit éditer à Mantoue dans ses jeunes années. Cette œuvre, aussi foisonnante que le suggère son titre, reflète le passage de la Renaissance au baroque : l’harmonie y côtoie la folie, la musique sacrée adopte le langage de l’opéra. Virtuose sans égal dans le mélange des styles, Monteverdi passe du recueillement le plus bouleversant aux élans rythmiques les plus jubilatoires, faisant briller le chœur et les solistes dans des sommets d’intensité sonore. Au crépuscule de sa vie, il nous offre ici l’aboutissement de son œuvre, peut-être la plus somptueuse, théâtrale, et la plus tragique.