Le facétieux pianiste canadien joue des classiques de la Nativité, entouré de nombreux amis invités.
Inclassable, touche-à-tout, hyperactif… Auteur, compositeur, arrangeur, pianiste… Malgré les multiples casquettes auxquelles il nous a habitués, le plus européen des musiciens canadiens ne nous avait pas préparés à porter la hotte du père Noël. C’est pourtant ce que Gonzales a réalisé en novembre 2020, s’inscrivant à sa façon dans la tradition anglo-saxonne des albums célébrant l’incontournable fête de fin d’année. Cet album, il l’accompagne d’un spectacle drôle et inattendu, lui qui a laissé éclater sa joie de pouvoir retrouver la scène après la pandémie, avec l’explosif morceau Music Is Back paru durant l’été 2021.
Un rap bravache et énergique
Rien ne laissait présager d’un Gonzales de Noël et pour autant, rien ne l’interdisait tant il a changé de costumes en presque trente ans de carrière. Né Jason Charles Beck à Montréal en 1972, il s’assoit seul à un piano dès ses trois ans, profitant des leçons que prend son frère ainé. Des années plus tard, il suit des études à l’Université McGill de Montréal où il apprend le piano classique et se produit dans un registre jazz. Après plusieurs expériences dans des groupes pop-rock, il déménage à Berlin en 1999. En devenant Chilly Gonzales, il tourne provisoirement le dos à son passé pour embarquer sa carrière dans un rap bravache et énergique qui ne tarde pas à trouver un écho favorable en Europe, tant dans les médias qu’auprès du public. Il s’installe à Paris pour quelques années où il tisse des liens avec la scène musicale, en particulier avec le producteur Renaud Letang. En quatre albums, il muscle peu à peu sa musique tout en imposant une vraie personnalité scénique.
En 2004, il surprend les fans qui ignoraient son CV avec Solo Piano, une œuvre instrumentale où il renoue avec son instrument de prédilection. Certains voient un héritier d’Erik Satie dans ce qui reste encore aujourd’hui sa meilleure vente. Ses multiples talents apparaissent sous un nouveau jour, Gonzales devenant producteur, arrangeur, compositeur, son nom est associé à ses compatriotes chanteuses Peaches et Feist, ainsi qu’à Jane Birkin. À partir de 2008, ses albums embrassent une vision plus large de la musique, réunissant les styles qu’il affectionne, tandis qu’il revient au chant le temps de Soft Power (2008) puis d’Ivory Tower (2010). Ce dernier album sert de bande originale au film du même nom que Gonzalez co-écrit avec Céline Sciamma, réalisé par Adam Traynor, un ami membre des Puppetmastaz, leur collectif de marionnettes rappeuses. Il joue aussi dans le film aux côtés de Tiga, Feist et Peaches.
Il enchaîne ensuite les collaborations, jouant sur deux titres de l’album Random Access Memories de Daft Punk, coproduisant un morceau du rappeur Drake et réalisant l’album Room 29 avec l’ex-chanteur du groupe Pulp, Jarvis Cocker. Il se produit deux fois à la Philharmonie de Paris en 2015 et 2017. En 2018, il ouvre à Paris sa propre école de musique, le Gonzervatory, à laquelle participent sept musiciens. Cette résidence de 8 jours comprend des séances de coaching avec Gonzales, suivies de master class d'amis et collaborateurs, dont Peaches, Socalled, Fred Wesley et Jarvis Cocker. Le tout est clôturé en beauté par un concert entre maîtres et chanceux élèves dans la salle du Trianon.
Noël, un moment de réflexion
En parallèle, Gonzalez réalise deux suites à Solo Piano, en 2012 et 2018. Jusqu’à l’année 2020 où le Canadien se fond dans la magie de Noël. Le 13 novembre paraît A Very Chilly Christmas, album dans lequel il revoit à sa façon des classiques d’hier et des chansons plus récentes.
« Noël est pour moi une période d'émotions intenses très variables, un passage qui sonne souvent comme un sourire forcé. Noël est un moment typique de bonheur superficiel, mais aussi un moment de réflexion et de deuil des événements tristes vécus tout au long de l'année. Les chansons d’A Very Chilly Christmas laissent place à une interprétation plus authentique de cette période si particulière des fêtes de 2020 », explique Gonzales. Au programme, des incontournables comme « Silent Night » (« Douce nuit »), « Jingle Bells » (« Vive le vent ») ou « O Tannenbaum » (« Mon beau sapin »), revus en mode instrumental à travers la sobriété d’un piano au feeling jazz souvent mélancolique. Le même traitement est appliqué à des hits plus récents comme « All I Want for Christmas Is You » de Mariah Carey, ou « Last Christmas » de Wham!, assurant sa cohérence à l’album. Seuls trois titres sont chantés, par Feist sur « The Banister Bough », Jarvis Cocker sur « In the Bleak Midwinter » et les deux artistes ensemble sur « Snow Is Falling in Manhattan », peut-être la reprise la plus surprenante du lot, due au projet Purple Mountains de l’artiste et poète américain David Berman.
Dans la foulée, Gonzales porte ces chants traditionnels et ces standards de la pop sur scène, imaginant une pièce musicale scénarisée où il invite ses amis chanteurs.
Un an plus tard, pour son retour exceptionnel à la Philharmonie, Gonzales fête Noël en concert. Ne se contentant pas d’un seul piano, il s’adjoint des instruments, dont une batterie et des cordes. Il convie bien sûr ses amis chanteurs, des invités surprises parmi lesquels l’Américaine Sarah McCoy pour interpréter une version unique de « Santa Claus Is Coming to Town ». Impossible d’imaginer Chilly Gonzales passer ce Noël sans sa famille nombreuse et surtout, sans une immense fête avec elle, les bras chargés de cadeaux.