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Daniel Barenboim, 80 ans d'engagement musical et moral

Publié le 15 novembre 2022 — par Bertrand Boissard

— Daniel Barenboim - © Holger Kettner

Le monde célèbre les 80 ans de l’un des musiciens les plus complets de notre temps, doublé d’un humaniste dont la parole est écoutée.

Depuis plus de sept ans, Daniel Barenboim est un pilier de la programmation de la Philharmonie de Paris. Revenir sur certaines de ses prestations dans la Grande salle Pierre Boulez revient à en feuilleter le catalogue des riches heures. S’il conduit de nombreux concerts où Beethoven et Brahms se taillent la part du lion, son cycle Mozart - Bruckner en 2017 avec la Staatskapelle de Berlin (dont il est le « chef d’orchestre à vie ») marque particulièrement les esprits : en mêlant les concertos pour piano du premier, qu’il dirige depuis le clavier, et les symphonies du second, il crée les conditions d’une interaction entre les deux compositeurs autrichiens, liés par une forme de simplicité et d’élévation spirituelle.

— Cycle Mozart/Bruckner dirigé par Daniel Barenboim à la Philharmonie de Paris (2017)

Il demeure aussi l’animateur infatigable de la Biennale dédiée à Pierre Boulez, qui fut pour lui un précieux initiateur, lui révélant quantité de musiques (dont celles de Schönberg, Berg et Webern), et auquel l’unissait une admiration et une amitié réciproque. Ses prestations avec le West-Eastern Divan, invité à la Philharmonie de Paris dès les premiers jours de son inauguration, donnent aussi lieu à des concerts mémorables. Par son charisme et son expérience irremplaçable, Daniel Barenboim favorise le développement musical de ces jeunes artistes venus de pays arabes et d’Israël.

En solo, le musicien a par exemple interprété en quatre récitals des sonates pour piano de Schubert. Enfin, comment oublier ce Sacre du printemps, remarquable par le mystère qui sourdait du début de la seconde partie, qu’il exécutait à deux pianos avec sa complice de toujours, Martha Argerich? Et ce Concerto n° 1 de Beethoven d’avril 2015, où il accompagnait avec soin la soliste, avant que tous deux ne jouent, en guise de bis, le Rondo en la majeur de Schubert, un moment d’intimité partagé.

Daniel Barenboim et l’Orchestre de Paris

Aux commandes de l’Orchestre de Paris de 1975 à 1989, Daniel Barenboim a profondément marqué de son empreinte la phalange précédemment dirigée par Charles Munch, Herbert von Karajan (en tant que conseiller musical) et Georg Solti. Jamais un chef ne restera aussi longtemps à sa tête. Sous ses mandats, l’orchestre se développe considérablement. Il axe ainsi principalement le répertoire sur la sphère germanique: les noms de Beethoven, Brahms et Wagner dominent la programmation et Bruckner devient familier des musiciens comme du public. Sa politique artistique est également marquée par la qualité des solistes et chefs invités, telles les légendes Claudio Arrau, Arturo Benedetti Michelangeli, Karl Böhm, Eugen Jochum ou encore Rafael Kubelik. 

Sous son ère, la musique contemporaine a plus que droit de cité. Le partenariat avec Pierre Boulez se révèle fructueux –le créateur français dirige l’Orchestre de Paris régulièrement et Barenboim crée et enregistre ses Notations I-IV pour orchestre– et prend la forme de concerts à deux orchestres, l’Ensemble intercontemporain se joignant à la phalange parisienne. Avec cette dernière, Daniel Barenboim interprète en première mondiale des œuvres, entre autres, de Henze (Fandango), Denisov (Symphonie) et Lenot (Pour mémoire III). À côté des concerts symphoniques, il inaugure un cycle de musique de chambre avec les solistes de l’orchestre et, convaincu de la nécessité d’un chœur permanent, il crée en 1976 le Chœur de l’Orchestre de Paris, dont il confie les rênes à Arthur Oldham. Toutes ces nouveautés ont largement contribué à forger l’identité de l’orchestre et à asseoir la place de Paris comme capitale musicale.

À 80 ans, Daniel Barenboim reste plus que jamais un point de repère, une figure morale, bien au-delà de la musique.

— Argerich, Barenboim : Schubert - Rondo en la majeur, D 951
Bertrand Boissard

Bertrand Boissard écrit depuis 2010 pour le magazine Diapason. Il est un intervenant régulier de la Tribune des critiques de disques (France Musique).