Déjà affaibli par la maladie qui allait l’emporter, il n’avait pu venir diriger lui-même ces concerts qui ont vu la création mondiale de l’une de ses pièces et les premières françaises de trois autres.
Péter Eötvös est né le 2 janvier 1944, dans la petite ville transylvanienne de Székelyudvarhely, aujourd’hui en Roumanie. Au passage, arrêtons-nous un instant pour nous émerveiller de l’extraordinaire vivier musical qu’est la Transylvanie, laquelle nous a offert également Bartók, Ligeti, Kurtág et quelques autres… Un riche héritage auquel Péter Eötvös reste d’ailleurs fortement attaché, parlant de la musique de Bartók comme de la «langue maternelle absolue de la musique». Pédagogue émérite, il n’a de cesse de jouer les passeurs pour préserver ce creuset vivace et fécond, notamment via la Fondation qui porte son nom à Budapest, même s’il confiait lui-même à Pierre Moulinier en 1999 : «En tant que chef d’orchestre et compositeur, je me sens bien partout, mais je ne suis nulle part chez moi. C’est mon destin. J’ai une vie magnifique et très agréable, mais comme un étranger qui regarde ce qui se passe autour de lui.»
Directeur musical de l’Ensemble intercontemporain
C’est à Paris, un peu par hasard, que sa carrière de chef a véritablement débuté. Jusque-là, la direction n’avait été qu’un moyen d’éviter le service militaire – et d’aller étudier à Cologne, ce qui lui donnera l’opportunité de travailler au fameux studio d’électronique et de rencontrer Stockhausen. Il racontait ainsi en 2014, à l’auteur de ces lignes : «Alors que les responsables de l’Ircam cherchaient quelqu’un pour diriger le concert d’inauguration de l’Institut, j’ai dirigé à Paris Hymnen de Stockhausen, une œuvre pour bande magnétique avec orchestre. Boulez n’était pas au concert, mais Nicholas Snowman si, qui l’a appelé immédiatement pour lui dire qu’il avait trouvé le chef qu’ils cherchaient. Pierre est venu me voir diriger les premières répétitions en vue du concert d’inauguration, et, dès la troisième, m’a proposé de rester en tant que directeur musical de l’Ensemble intercontemporain.»
C’est ainsi qu’a débuté pour Péter Eötvös une aventure parisienne de douze années à la tête de l’Ensemble intercontemporain, et en lien étroit avec L’Ircam. Place Stravinski, il découvre les joies de l’informatique musicale, alors balbutiante, après ses six années passées à pratiquer l’électronique auprès de Stockhausen à Cologne.
Si son activité de compositeur a été quelque peu mise en sourdine au cours de son mandat à la tête de l’Ensemble intercontemporain, elle reprend de plus belle par la suite. Il s’affirme ainsi, avec des ouvrages tels que Le Balcon d’après Genet ou Trois Sœurs d’après Tchekhov, comme l’un des grands compositeurs d’opéra d’aujourd’hui.
Son histoire d’amour avec Paris et sa scène contemporaine n’en a pas moins perduré. Péter Eötvös donne à la Cité de la musique, puis à la Philharmonie de Paris, des concerts inoubliables, notamment avec l’EIC qu’il retrouve toujours avec plaisir (citons le monumental Gruppen de Stockhausen, codirigé avec Pierre Boulez et David Robertson en 1998), mais pas seulement : avec le LSO en mai 2012, ou pour deux concerts Varèse 360° avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France et l’Ensemble Asko|Schönberg en octobre 2009.