Arte et le Musée de la musique proposent une petite histoire de la musique occidentale du XVIe siècle à nos jours. Rencontre avec Stéphane Vaiedelich, responsable du laboratoire de recherche et de restauration du Musée, qui a assuré l’ensemble des choix scientifiques de la série.
Quelle est l’origine de cette série de vidéos ?
Ce projet est né afin de répondre à un besoin de développer des médias expliquant de façon ludique et intelligente l’histoire et le fonctionnement des instruments de musique de la collection du Musée. Nous avons réalisé que le parcours de la collection permanente proposé au public n’abordait pas vraiment cette question. Nous parlons beaucoup d’histoire, de muséologie et de musicologie, mais assez peu du fonctionnement des instruments. En 2018, nous avions développé un premier prototype de courtes vidéos intitulé « Variations en caisse majeur ». Dans cet épisode, nous explorions le lien entre la forme de l’instrument et le son. Après ce premier essai concluant, nous avons décidé d’inscrire ce type de contenu éditorial dans le cadre du projet scientifique et culturel du Musée, finalisé récemment.
Comment s’est construit cette collaboration entre le Musée de la musique et la série Gymnastique sur Arte ?
Nous avons beaucoup échangé avec les scénaristes de la société de production Milgram et confronté leurs contraintes éditoriales avec nos contraintes scientifiques. Parce que nous sommes un musée, nous voulions créer une série grand public tout en conservant une rigueur intellectuelle et scientifique.
Dans un premier temps, avec l’équipe du Musée et à partir d’une liste de sujets prédéfinis, nous avons extrait les thématiques les plus pertinentes et conçus l’essentiel des synopsis. Nous souhaitions que le discours ne soit jamais tenu par la même personne d’un épisode à l’autre. Ainsi, de nombreux membres de l’équipe sont intervenus en tant qu’experts. On entend, par exemple, Thierry Maniguet, ou Jean-Philippe Échard, conservateurs en charge des instruments présentés dans l’épisode sur les diapasons comme dans celui dédié à l’octobasse. Je suis moi-même intervenu dans l’épisode consacré au violon Stroh et j’ai assumé l’ensemble des choix scientifiques sur la série. À la fin de la journée de tournage, le journaliste repartait avec les rushs, il se transformait alors en metteur en scène et me proposait différents scénarios à partir d’une même matière première. C’est un peu comme un metteur en scène qui travaille avec un auteur dont il adapte le roman, ou un scénariste qui crée un film autour d’un sujet historique très bien documenté : jusqu’où a-t-il le droit de scénariser les évènements historiques sans que cela dévie de la connaissance actuelle ? Les choix faits étaient partagés dans l’équipe de conservation et de recherche pour recevoir une validation collective.
Quelles ont été les missions du laboratoire mises en avant dans cette série ?
Nous avons choisi de présenter des instruments que l’on connait peu, comme l’harmonica de verre pour lequel les musiciens se comptent sur les doigts d’une main. Ainsi, curiosité et rareté rejoignent la possibilité d’apporter un vrai discours historique et scientifique.
L’une des missions de l’équipe de conservation et de recherche est de créer des liens entre la culture dans laquelle est plongé un instrument et son fonctionnement. Par exemple, le diapason amène la question scientifique suivante : Comment mesure-t-on la fréquence ? Il est intéressant de noter que la découverte de la mesure de la fréquence et l’organisation des diapasons sont quasi concomitantes. Ainsi, au-delà des questions historiques, nous avons voulu apporter de véritables questionnements scientifiques. L’épisode sur la vihuela, notamment, vise à montrer comment on peut, grâce à la science, faire entendre le son disparu d’un instrument que l’on ne peut plus jouer. C’est assez représentatif des missions du laboratoire.
Que retenez-vous de cette aventure ?
Cette collaboration avec Arte a constitué une formidable opportunité. Les bons chiffres d’audience montrent que ces épisodes répondent de manière intelligente et accessible aux questions que le public se pose. Des informations rares et pointues, fruit d’importantes recherches, sont exprimées dans ces films mais de façon accessible. Je pense que c’est une belle forme de vulgarisation, je suis heureux que la collection puisse toucher le plus grand nombre au travers de ces diffusions !
Propos recueillis par Emma Jomary.