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les mille flamboyances du répertoire de Christophe

Publié le 31 août 2021 — par Christophe Conte

© Lucie Bevilacqua

À la Philharmonie, Christophe était chez lui. Cette soirée unique, telle qu’il l’aurait sans doute voulue, est à son image : mystérieuse, magique, nocturne, chaleureuse, arty et joyeuse.

— Entretien avec Christophe réalisé à la Cité de la musique en février 2010

Disparu le 16 avril 2020 des suites de la Covid-19, Christophe aura été doublement victime de l’épidémie. En raison des restrictions sanitaires, ses proches et ses amis comme ses admirateurs n’ont pas pu lui rendre à l’époque le dernier hommage qu’il méritait. Pendant de longs mois, et tandis que l’onde de choc provoquée par sa mort ne faiblissait pas, Laurent Castanié, le producteur de ses concerts depuis vingt ans, a imaginé la meilleure façon de célébrer son souvenir. Cette soirée unique, telle qu’il l’aurait sans doute voulue, serait donc à son image : mystérieuse, magique, nocturne, chaleureuse, arty et joyeuse. Le choix du lieu n’a pas fait débat. À la Philharmonie, Christophe était chez lui. En mars 2018, il donna dans la Grande salle Pierre Boulez l’un de ses concerts les plus mémorables, en écho à son dernier album de chansons originales, Les Vestiges du chaos.

Créateur d'alchimies

Huit ans plus tôt, c’est sur la scène de la Cité de la musique qu’il s’avançait pour deux soirées d’illusions sonores et de chant magnétique baptisées « Ma barrière de corail ». Il aimait ces lieux résonnant de mille musiques – classiques, contemporaines, jazz, world, rock ou chanson –, comme la sienne à bien des égards, pendant les six décennies où il a arpenté ou réinventé tous les styles. Ces endroits, il goûtait leurs prestiges en esthète, leur modernité en amateur de belles choses, et leurs acoustiques en obsessionnel du son. Chanteur populaire en même temps que créateur d’alchimies, faiseur de tubes maniant tout autant le tube à essais, le « beau bizarre » et son labo étrange ne pouvaient rêver meilleur écrin. Il fallait ensuite un décor, mouvant et surprenant, une scénographie à la hauteur de celles de ses spectacles. Alors autant faire appel à ceux et celles qui les ont inventées.

— Entretien avec Christophe, seconde partie - Réalisé à la Cité de la Musique en février 2010

Un spectacle sensoriel

Les plasticiens et vidéastes Dominique Gonzalez-Foerster et Ange Leccia, qui ont travaillé intensément avec Christophe pour son grand retour à l’Olympia en 2002 (Victoire de la Musique du Meilleur spectacle), puis dans la foulée sur un film retraçant leur collaboration (Personne n’est à la place de personne), étaient tout indiqués pour prendre en charge une partie des visuels de la soirée. L’occasion de retrouver les images sidérantes de beauté et leurs lumières surréelles, tellement en résonance avec la poésie fragile et l’art kaléidoscopique de Christophe. L’autre partie de la scénographie a été confiée à Julie Noyat, qui aura assuré quant à elle la direction artistique des concerts du chanteur au cours de la dernière décennie, au moment où il fut redécouvert par plusieurs générations de publics, en version orchestrales ou intimes. Restait l’interrogation la plus complexe : comment célébrer au plus juste l’art si singulier de Christophe, lequel reposait beaucoup sur lui-même, sans Christophe ? Plutôt qu’un simple show larmoyant et nostalgique où défileraient des invités, l’envie commune était de créer un spectacle sensoriel sous la forme d’une suite de tableaux, pour rendre hommage aussi à l’esprit aventureux d’un artiste dont les rendez-vous sur scène étaient toujours une promesse de sensations nouvelles et inoubliables.

— Entretien avec Christophe, extrait - Réalisé à la Cité de la musique en février 2010

Paradis retrouvés

La partie musicale sera orchestrée par Augustin Charnet, qui a travaillé pendant deux ans avec Christophe pour la réalisation de ses deux albums de duos, en collaboration avec Jean-François Assy. Il fait partie de ces jeunes musiciens auquel le chanteur accordait sa confiance comme un coup de poker, préférant miser sur la nouveauté que sur le confort des associations trop attendues. Comme il n’était pas question de consacrer une soirée hommage à Christophe sans que l’on ressente pleinement sa présence, Augustin a travaillé sur des sons et des séquences créés par le chanteur chercheur dans son studio, à la manière d’ondes fantômes qui viendraient nous hanter depuis « Les paradis perdus » – et, en l’occurrence, retrouvés.

Pour revisiter ce répertoire riche de mille flamboyances – des premiers tubes yéyés jusqu’aux derniers films sonores, en passant par les incontournables standards satinés des années 70 –, il ne fut pas difficile de réunir un casting d’admirateurs, d’amis proches, de vieilles connaissances comme de jeunes disciples, chanteurs et chanteuses, artistes, danseurs, comédiens ou instrumentistes qui ont croisé son chemin et auraient laissé tout en plan pour être là. De Adamo à Marie Flore en passant par Raphael, Keren Ann, Arthur Teboul (Feu! Chatterton) en passant par Rodolphe Burger ou Nawel Ben Kraïem, invités à revisiter ses grands classiques, c’est un panorama d’interprètes à l’image de l’éclectisme qui était le sien. D’autres noms de prestige – comme celui de Jean-Michel Jarre (parolier des immortels « Les paradis perdus », « Les mots bleus » ou « Señorita »), Marie-Claude Pietragalla (qui avait conçu la chorégraphie de l’Olympia 2002), ainsi que des musiciens qui ont accompagné Christophe dans ses différentes aventures scéniques (la pianiste Justyna Chmielowiec, le violoncelliste Jean-François Assy, le saxophoniste Renaud Gabriel Pion ou l’harmoniciste Diabolo) – se succéderont ou s’entrecroiseront pour cet hommage aussi vibrant et vivant que possible, avec une équipe de production et de techniciens qui étaient ceux de Christophe au cours des deux dernières décennies. On lui devait bien ça.

Christophe Conte

Journaliste, auteur et documentariste, Christophe Conte a publié plusieurs ouvrages sur la chanson française et le rock (Étienne Daho, Nino Ferrer...) ainsi qu’une « anti-discothèque idéale ». Il a réalisé des documentaires sur David Bowie, François de Roubaix, le glam rock et The Kinks.