Œuvre aux multiples dimensions, moving still – processional crossings prend la forme d’un opéra spatialisé invitant le public à participer à une procession.
Créé lors de la Biennale de Venise en 2021, le spectacle moving still – processional crossings se veut tout autant une performance poétique qu’un concert vocal. Conçu par la compositrice Marta Gentilucci, le metteur en scène Antonello Pocetti et orchestré par la directrice musicale Catherine Simonpietri, moving still prend la forme itinérante d’une procession où chanteurs et comédiens évoluent dans l’espace, emmenant avec eux le public en différents lieux. À la source de cet «opéra», quatre poétesses: Elisa Biagini, Irène Gayraud, Shara McCallum et Evie Shockley qui prennent part au spectacle, chacune récitant ses poèmes, accompagnée d’un chœur qui, au fil de la performance, chante certains vers. moving still se déploie ainsi en deux parties: la première est mobile et connaît plusieurs arrêts à l’extérieur de la Philharmonie; la seconde prend pour décor le Studio. Tout à la fois concert et spectacle visuel, la mise en scène entend s’appuyer, dans ses scènes d’extérieur, sur le jeu de miroirs rendu possible par l’architecture en aluminium de la Philharmonie. Il s’agit ainsi de conférer au concert une nouvelle dimension où le regard se joint à l’ouïe pour faire de cette performance un spectacle qui fait résonner la musique au-delà de sa dimension sonore.
Associant le geste à la voix, la mise en scène de moving still se veut une méditation sur la migration –thème explicitement symbolisé par les déplacements du chœur et du public–, ainsi que sur la perte et l’incommunicabilité des sentiments. Dans cette perspective, la forme poétique des textes chantés renoue avec les racines antiques de la musique, où les premiers poètes grecs étaient psalmodiés par des récitants itinérants. Retournant, pour ainsi dire, aux origines de l’art et de la poésie, les voix des quatre poétesses font résonner différentes langues: l’anglais pour Shara McCallum et Evie Shockley, l’italien pour Elisa Biagini, et enfin le français pour Irène Gayraud. Rêve babélien où les frontières entre les langues se trouveraient abolies, les voix s’élèvent pour chanter dans ce spectacle l’incommunicable tout en communiant avec un public qui chemine et avance avec les chanteurs au rythme de la procession. Spectacle foisonnant dont les costumes seront réalisés par la maison Dior, moving still mêle tour à tour, la musique, la poésie, la danse et le théâtre.
Quête des origines et de l’identité, cette performance joue sur les registres de la mémoire et de l’éphémère, du son et du sens. À l’instar de la polysémie suggérée par le titre –moving still, «en mouvement sans bouger» ou «en mouvement, toujours»– il s’agit d’inscrire dans les corps et les âmes le mouvement intime qui est celui porté par la musique.