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Nuit du rossignol 2022, l'arbre paon de Nelly Saunier

Publié le 03 mars 2022 — par Alexandre Girard-Muscagorry

— L'arbre paon de Nelly Saunier

Cet étonnant instrument a rejoint les collections du Musée de la musique en 2016.
C'est une acquisition importante en raison de la grande qualité de cette vièle qui adopte la forme d'un oiseau, d'un paon, et son nom fait référence à cette forme : c'est la vièle « taus » ou « mayuri », les 2 termes signifiant « paon ».
C'est un instrument étonnant, inventé au cours du 19e siècle dans l'Inde du Nord, un instrument hybride, puisqu'il reprend le manche du sitar et une caisse de résonance recouverte d'une peau de chèvre qui se rattache plutôt à la famille des vièles « sarangi ».
Cet instrument a ici la forme d'un paon, et le paon est extrêmement bien représenté.
Vous voyez que la tête de l'animal est fixée dans la caisse de résonance au moyen d'un système de tenons et mortaises.
L'aigrette également a été rapportée, et l'ensemble de l'instrument est recouvert d'un magnifique décor illusionniste qui représente le plumage de l'oiseau.
Sur le manche, on a une décoration de motifs floraux et végétaux, et pour parfaire l'illusion, des plumes de paon ont été insérées à la jonction entre le manche et la caisse de résonance.
La forme de cet instrument n'est pas anodine puisqu'en Inde, le paon est un instrument très fréquent.
Il est associé à la divinité des arts et du savoir, Sarasvati. Il est également la monture du Dieu de la guerre, Skanda, l'un des fils de Shiva.
Plus largement, le paon est un animal qui évoque la fertilité, qui évoque la richesse et le pouvoir.
Il est donc naturel de le voir fréquemment représenté sur des objets qui sont associés à l'expression du pouvoir.
Aujourd'hui, la vièle sarasvati est tombée en désuétude, elle n'est quasiment plus jouée en Inde et elle a rejoint principalement les collections privées et de musées.
L'instrument continue d'exercer un fort pouvoir de fascination sur nos visiteurs.
À l'occasion de la Nuit du Rossignol, le Musée de la musique a invité l'artiste plumassière Nelly Saunier à réaliser une création dans les salles du Musée de la musique et en se baladant il y a quelques mois, Nelly Saunier s'est intéressée à cette vièle taus, en raison notamment de la présence des plumes.
Elle a décidé de créer une œuvre autour de cette vièle taus, en explorant son histoire et surtout son potentiel esthétique.
Et sa création sera présentée sur le podium, derrière moi, en dialogue avec cet instrument.


La tradition de l'art de la plume existait dans nos sociétés, ici en Europe, mais aussi dans le monde entier.
Je me suis intéressée à l'art de la plume dans son ensemble, aussi bien pour le monde du spectacle, de la danse, que pour les cérémonies religieuses ou les cérémonies chamaniques dans différents pays et sur différents supports.
C'est un univers extraordinaire qui mêle l'oiseau à la nature.
Lors de ma première visite à la Cité de la Musique, pour découvrir le lieu où j'allais pouvoir créer une œuvre, j'ai fait la visite totale.
Et puis je suis arrivée dans cette pièce avec tous les instruments indiens et percussions, avec un bel espace dédié, et j'ai trouvé tout de suite dans une vitrine, un peu caché, un instrument extraordinaire, la vièle taus, qui est représentative d'un paon, très figuratif.
Ça m'a tout de suite inspirée et en créant le lien avec mon histoire de nature transformée, j'ai eu l'idée de créer un arbre-paon, le végétal-paon, qui est l'arbre du voyageur.
En même temps, tout ça pouvait se raconter dans une histoire.
Et puis ça faisait sens, entre l'instrument, l'idée du voyage, de découvrir des instruments d'un autre pays...
Donc ça n'a fait qu'appuyer ma créativité autour de ce sujet.
De là est née cette pièce, avec plus de 750 plumes.
Les plumes viennent d'un élevage dans la région parisienne.
C'est M. Hugues, qui possède une quantité incroyable d'animaux.
C'est un éleveur, il a des paons bleus, des pièces...
Enfin, des pièces... des oiseaux exceptionnels, très beaux, et donc c'est les mues, c'est les plumes tombées des mues des oiseaux qui ont été collectées.
Ça tombe d'un seul coup toute une semaine, et donc j'ai pu récupérer ces plumes pour créer cette pièce.
Pour cette pièce, les étapes, ça a été de beaucoup dessiner, de chercher la structure, de chercher cet arbre, puisque normalement, je pars de la nature, je prends un arbre mort que je rhabille.
Mais trouver le mât d'un arbre du voyageur dans nos contrées, c'est impossible.
Donc je me suis rabattue sur le bambou, dont la tige peut monter assez haut, jusqu'à 3,80 mètres de hauteur.
J'ai travaillé autour de cet axe du bambou que j'ai revisité, façonné, repeint.
Mais il y a eu d'abord des recherches en maquette, pour voir comment j'allais agencer l'élément plume.
Puis, après moult maquettes à l'échelle, les choses ont trouvé leur chemin.
Et puis ce lien, toujours, avec l'instrument, qui est vraiment un petit instrument bombé...
C'est la caisse de résonance de l'instrument à cordes, mais il y a aussi le bombé du paon, la tête du paon...
C'est un mélange entre l'inspiration de l'instrument, l'arbre du voyageur, et l'oiseau lui-même.
Tout ça pour mettre en valeur et en scène une histoire autour de la plume, encore une fois.
Les plumes sont d'abord lavées, quand je les reçois, une par une, lavées, séchées, déployées.
On redonne la beauté naturelle de la plume par un jet de vapeur, à la main, une par une.
Ensuite, elles sont sélectionnées, choisies par taille, entre les plus grandes, qui vont déborder, qui sont celles qui traînent souvent au sol, jusqu'aux toutes petites qui sont les plumes dites de couverture, qui viennent couvrir le poitrail de l'oiseau.
Tout ça est sélectionné, lavé, extrêmement chouchouté, puis mis en scène avec ce savoir-faire particulier qui est du collage, mais un collage avec l'air qui joue au travers et qui donne du relief à l'ensemble.

À l’occasion de la Nuit du rossignol, le Musée de la musique a invité l’artiste plumassière Nelly Saunier à réaliser une création autour d’un étonnant instrument indien, la vièle taus.

La vièle taus a rejoint les collections du Musée de la musique en 2016. Inventé au cours du XIXe siècle dans l’Inde du Nord, cet instrument à cordes frottées est un objet sonore hybride qui s’apparente au sitar par son long manche et au sarangi par sa caisse de résonance recouverte d’une peau de chèvre.

L’instrument présente la particularité d’épouser la forme d’un paon. L’ensemble de la surface est notamment recouverte d’un décor coloré qui représente finement le plumage et les pattes de l’oiseau. Pour parfaire l’illusion, de véritables plumes ont été insérées à la jonction du manche et de la caisse.

Cette étonnante forme zoomorphe n’est pas uniquement fruit de l’inspiration du luthier. Le paon est un oiseau empreint d’un fort symbolisme dans l’hindouisme, où il est associé à la divinité des arts et du savoir, Sarasvati, mais aussi au dieu de la guerre, Skanda, dont il sert de monture. Plus largement, le paon est un animal qui évoque la fertilité, la richesse et le pouvoir. Sa silhouette apparaît ainsi fréquemment sur les objets de prestige.

Très populaire entre la fin du XIXe siècle et les années 1930, la vièle taus accompagnait le chant et les danses de courtisanes, avant de tomber en désuétude. Aujourd’hui, elle n’est quasiment plus jouée et a rejoint les collections de musées en Inde, en Europe ou aux États-Unis. L’instrument exerce toutefois encore un fort pouvoir de fascination sur les visiteurs et trouve une nouvelle existence à travers l’imagination de Nelly Saunier.