« Quelle énergie, quel chœur formidable ! » En ce mois de mai ensoleillé, Richard Wilberforce enchaîne les dernières répétitions pour Belshazzar’s Feast, l’immense oratorio de William Walton dont se sont emparés le Cambridge University Symphony Chorus – le chœur qu’il dirige encore pour quelques semaines en Angleterre – et le Chœur de l’Orchestre de Paris, dont il prend la direction musicale à partir de septembre 2023.
Près de 50 ans après Arthur Oldham, qui avait créé le Chœur en 1976 sous l’impulsion de Daniel Barenboim, c’est un autre britannique qui prend la baguette ! Formé à Cambridge puis au Royal College of Music comme contreténor, Richard Wilberforce commence une carrière lyrique sur les grandes scènes et auprès des meilleurs chefs. Avec John Eliot Gardiner et son Monteverdi Choir, surtout, il touche du doigt une certaine idée de la perfection chorale. Petit à petit, il commence à diriger : à Manchester d’abord, où il prend en charge le chœur de jeunes du Hallé Orchestra, puis à Leeds, où c’est le Leeds Philharmonic Chorus, grande formation symphonique amateur, qui lui tend les bras et lui fait parcourir une bonne partie du répertoire.
À Paris, où il débarque en 2017 (« Je suis un réfugié du Brexit », confesse-t-il avec un délicieux accent), son enthousiasme et ses fines qualités musicales lui valent d’être rapidement repéré par Laurence Equilbey pour préparer l’ensemble Accentus et le Jeune Chœur de Paris, qu’il co-dirige avec Marc Korovitch. « À mon arrivée en France, j’ai vraiment eu beaucoup de chance. On m’a fait confiance très rapidement et j’y ai déjà vécu des expériences musicales inoubliables. » Alors, quand Ingrid Roose et Marc Korovitch ont décidé en fin de saison de rendre la baguette du Chœur de l’Orchestre de Paris à un chef unique, le nom de Wilberforce a vite sonné comme une évidence. Pas pour le premier intéressé, qui ne réalise pas encore tout à fait son bonheur. « Un rêve ? Mais toute cette première saison est un rêve ! Regardez le nombre de grandes œuvres que nous allons chanter en quelques mois : le Requiem allemand, la Symphonie des Mille et la Troisième de Mahler, les Carmina Burana, Les Cloches de Rachmaninoff, Les Noces de Stravinski… Et je ne peux rien dire bien sûr, mais ça va continuer les saisons prochaines. » Chef de chœur entre les deux rives de la Manche, Richard Wilberforce a forcément un avis sur l’éternel débat entre le son des chœurs anglais et des chœurs : « Joker ! », plaisante-t-il. « Non, plus sérieusement, je sens bien que depuis mon arrivée en France il y a 6 ans, mes goûts ont évolué. J’ai maintenant plus de mal avec les fameuses voyelles anglaises très ouvertes, et je tends à préférer la rondeur, la chaleur du son français. Mais l’important n’est pas là : il faut simplement réussir à atteindre avec nos capacités propres les plus belles couleurs, le son le plus émouvant – en un mot, le meilleur de nous-mêmes. »
Revenant à ses projets à Paris ces prochaines années : « Ce qui me réjouit aussi, c’est la grande ambition de Klaus Mäkelä pour le Chœur. Nous avons déjà pas mal discuté, et il est clair qu’il veut que le Chœur dans toutes ses formations (le Chœur d’enfants, le Chœur de jeunes et le Chœur symphonique) soit au centre de son projet. Que ce soit par les grandes œuvres, bien sûr, ou aussi par des morceaux plus courts qui viennent dialoguer avec les autres œuvres du programme – tout cela m’enthousiasme beaucoup ! »