Les deux week-ends consacrés à la Chine sont l’occasion de mesurer la diversité des genres, des époques et des traditions ethniques qu’elle recouvre au travers d’un riche instrumentarium.
Riche d’une tradition de plus de 2000 ans, la musique chinoise se singularise par son raffinement, sa fluidité et la sophistication de ses techniques de jeu. Tout en résonance, elle semble parcourue d’un souffle, tel un prolongement de la nature. Si, en Occident, il est d’usage de classer les instruments en trois catégories — cordes, vents et percussions —, on les différencie en Chine par leur matériau : métal, pierre, soie, bambou, terre, peau, bois, calebasse. Parmi ceux que l’on entendra durant ces concerts, citons l’orgue à bouche (ou sheng), dont le son s’obtient par aspiration ou expiration et qui est à l’origine de l’accordéon et de l’harmonica , le luth pipa, socle sur lequel s’appuie notamment la musique nanyin et le luth à trois cordes sanxian, remarquable par sa capacité d’adaptation et sa popularité.
S’il est un genre fascinant, c’est bien celui de l’opéra chinois, kaléidoscope mêlant rituels, musique instrumentale, danse, chants traditionnels, arts de la rue. Au même titre que le célèbre Pavillon aux pivoines, Le Palais de l’éternelle jeunesse demeure l’un des fleurons du genre du kunqu, un des plus subtils de l’opéra chinois. Écrit en 1688, il décrit la relation entre l’empereur Xuanzong et sa concubine Yang Guifei. S’appuyant sur un vaste ensemble d’écrits et de mythes, il reste unique, tant dans sa forme (il comporte cinquante actes) que son caractère, essentiellement lyrique.
Deux traditions musicales seront également mises à l’honneur : la musique nanyin des Minnans et celle des Naxis. La première est née le long de la côte sud-est de la Chine. D’un caractère empreint de douceur et de délicatesse, s’appuyant sur des tempos généralement lents, ce genre musical d’une grande sérénité a été classé en 2009 « patrimoine culturel immatériel » par l’Unesco.
D’une grâce singulière, la musique traditionnelle des Naxis (une des 56 ethnies chinoises, localisée dans le nord-ouest du Yunnan) a été transmise à travers un ensemble de règles rigoureuses. Cette musique ancestrale sera interprétée par l’Orchestre de Musique Naxi de Lijiang, riche d’une histoire de 440 ans, et de fait considéré comme un des orchestres les plus anciens du monde. Une musique fascinante, d’un autre temps, que perpétuent des musiciens chevronnés.
Deux concerts présenteront des virtuoses de premier plan. Wu Wei, maître de l’orgue à bouche, mêle dans ces projets tradition et modernité, notamment lors de ses collaborations avec les Berliner Philharmoniker. Personnalité singulière à la vie intérieure intense, Wang Li ne cesse quant à lui d’approfondir les ressources de nombreux instruments. Férus de timbres nouveaux, ils dessinent ensemble les contours d’univers sonores toujours mouvants.
Le concert de musique pingtan met à l’honneur une tradition née à Suzhou, ville chinoise surnommée la « Venise de l’est » pour ses nombreux canaux. Cet art de plus de 400 ans, qui combine narration — parfois comique —, chant et instruments à cordes traditionnels, possède un charme unique. Gao Bowen, maître du pingtan, et Tao Yingyun maintiennent vivante une tradition toute de délicatesse, et dont la popularité était telle, il y a peu, qu’elle élevait ses principaux représentants au rang de stars du rock.
Enfin, le Hong Kong Chinese Orchestra célèbre le Nouvel An chinois et l’entrée dans l’année du buffle en donnant à entendre un écho des musiques traditionnelles, à travers divers arrangements. Célébrant l’harmonie, la beauté de la nature et les amours éternelles, ces musiques colorées touchent, sur une note festive, à l’essence même de l’âme chinoise.