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Tableaux d'une exposition - Un concert dessiné en famille

Publié le 20 janvier 2023 — par Aude Tortuyaux

— Ciné-concert à la Philharmonie de Paris - © Mathias Benguigui/Pasco & Co

Avec ces Tableaux d’une exposition dont les dessins naîtront sous les yeux des spectateurs, l’Orchestre de Paris poursuit son voyage dans le monde de la bande dessinée.

Troisième volet d’un partenariat noué avec le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême : après Hansel et Gretel avec Lorenzo Mattotti et Le Petit oiseau de feu, par Camille Jourdy, l’Orchestre de Paris propose cette saison un « concert dessiné » autour des Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski. Mariage heureux des compétences et savoir-faire de l’institution phare du huitième art au niveau mondial, et d’une formation symphonique offrant aux dessinateurs l’occasion de s’associer à une véritable création musicale.

Cette année, Dominique Bertail aura la responsabilité de mettre la partition en images, et pour mission, d’illustrer le contexte de création des Tableaux : Moussorgski se rendant à Saint-Pétersbourg, en 1874, pour visiter une exposition organisée en l’honneur de son cher ami, le peintre Viktor Hartmann, disparu prématurément. Le compositeur ressentit une émotion si vive devant les toiles qu’il se serait lancé dans l’écriture de dix pièces pour piano en trois semaines, lui pourtant réputé si lent face à la page blanche. Ces « vignettes » seront transcrites pour orchestre symphonique par Maurice Ravel en 1922.

— Tableaux d'une exposition - © Dominique Bertail

Imaginons le tableau – ou plutôt, le dessin… L’orchestre au grand complet, devant un écran géant, et Dominique Bertail, sur scène, dessinant en direct sur la musique. De quoi impressionner petits et grands, et même l’artiste en premier lieu. « La commande était simple », explique Rachel Dale, responsable de l’action culturelle à l’Orchestre de Paris : « Guider l’imagination des enfants, leur donner des clés d’écoute et ouvrir des portes d’entrée vers la musique. Nous avons donc demandé à Dominique Bertail de se glisser dans les pas du spectateur au fil de l’exposition, en adoptant son point de vue. Le dessin est un magnifique outil de médiation pour le jeune public ; mais nous présentons avant tout un concert. » Le choix du dessinateur, comme pour chaque collaboration avec le Festival d’Angoulême, s’est vite révélé une évidence : Dominique Bertail est, en effet, un habitué des « concerts dessinés » notamment dans le domaine du jazz, et a déjà mené de nombreuses expérimentations dans des petites salles ou des bars, autour de l’improvisation, proposant comme un « bœuf » entre musiciens et dessinateur !

De la miniature au grand écran

« Me voilà invité à concevoir mon dessin comme un membre à part entière de l’orchestre », souligne-t-il. « Il faut que chaque geste graphique joue “juste”, à la bonne note. Bref, il faut suivre la partition. » Parmi les défis à relever, celui du temps : « La temporalité du dessin n’est pas celle de la musique. Les morceaux sont courts, il faut donc trouver une solution pour parvenir à offrir un résultat en peu de temps. » Celle permettant de s’adapter aux dix tableaux est déjà trouvée : dessiner sur des feuilles de petit format, afin que le dessin soit vite exécuté, tout en étant filmé et projeté sur le grand écran. Là encore, l’expérience dont dispose Dominique Bertail sera précieuse : « J’adore créer des dessins en miniature, à destination notamment d’Instagram, pour lequel cette échelle est idéale. Ces miniatures exigent une grande précision qui me sera très utile pour exécuter le dessin filmé en direct. » Le choix des pinceaux et de l’aquarelle s’est aussi rapidement imposé à l’auteur, avec son corollaire d’interrogations : comment le papier, selon sa qualité, va-t-il absorber l’aquarelle ? À quelle vitesse ? Avec quels effets visuels, de transparence ? C’est un formidable terrain de jeu qui s’offre à Dominique Bertail, mettant à profit l’effet de loupe de la caméra sur le papier.

« Pour faire corps avec la musique, j’ai décidé d’utiliser un procédé cinématographique : celui du storyboard, recueil de planches qui présente les séquences d’un film. Cela me semble plus pertinent que l’illustration pure, car le storyboard est un récit, et mes dessins doivent raconter une histoire. Cette musique n’est-elle pas d’ailleurs tout à fait cinématographique ? » En fonction de la temporalité des morceaux, Dominique Bertail pourra exécuter des pochades en trente secondes ou bien des dessins plus complexes pour les tableaux plus longs. « N’est-ce pas finalement ce que l’on voit en déambulant dans une exposition ? Des petits tableaux voisinant avec de grandes fresques ? »

— Dessins - © Dominique Bertail

Reste-t-il une inquiétude au dessinateur ? « C’est celle d’apprendre par cœur un dessin pour l’exécuter sans faiblir en représentation. Je vais répéter, préparer mon dessin chez moi, comme un musicien doit s’entraîner sur sa partition, quotidiennement. Je vais me prêter à la même discipline que tout membre de l’orchestre, et ça, c’est une immense fierté. »