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Brad Mehldau et les Beatles : du McCartney avant toute chose

Publié le 27 août 2020 — par Pascal Rozat

— Brad Mehldau - © Michael Wilson

Si l’on ignore encore quelles chansons des Beatles le pianiste américain choisira d’interpréter lors de ses concerts de septembre, sa discographie nous fournit déjà quelques précieux indices.

Brad Mehldau
— Brad Mehldau - © Michael Wilson

Brad Mehldau est-il fan des Beatles, ou tout simplement fan de Paul McCartney ? On peut se poser la question. Parmi les six reprises des Fab Four émaillant sa discographie depuis 1997, on n’en trouve en effet qu’une seule qui soit de la plume de John Lennon : « Dear Prudence », figurant sur l’album Largo (2002).

— Brad Mehldau - Dear Prudence

Pour le reste, notre homme marque une prédilection sans réserve pour les mélodies enchantées et la sophistication harmonique de Macca, les chansons de George Harrison – et a fortiori celles de Ringo Starr ! – n’ayant jusqu’à présent jamais retenu son attention (dommage, d’ailleurs, on serait bien curieux d’entendre sous ses doigts « Something » ou « Here Comes the Sun »…). Sa passion pour Paul ne se limite d’ailleurs pas strictement aux Beatles, puisque deux titres issus de la carrière solo du chanteur-bassiste ont également trouvé leur place dans son répertoire : le tout récent « My Valentine », paru en 2012 sur l’album Kisses on the Bottom, et dont Mehldau enregistra la même année une version crépusculaire en trio, et le vénérable « Junk », sorti sur l’album McCartney en 1970, mais composé dès 1968, à l’époque du double album blanc.

Le White Album semble d’ailleurs constituer l’autre grande obsession du pianiste, puisque pas moins de quatre de ses six reprises beatlesiennes en sont issues : outre le « Dear Prudence » précité, Largo comprend également une version du bucolique « Mother Nature’s Son », couplé de manière finalement pas si surprenante avec le « Wave » d’Antonio Carlos Jobim, autre grand mélodiste devant l’éternel. L’arrangement, lui, est pour le coup inattendu, avec sa rythmique survoltée façon drum’n’bass sur laquelle vient se greffer une partie de vibraphone jouée par Brad himself !

— Brad Mehldau - Wave / Mother Nature's Son

Mais ce sont deux autres titres emblématiques du double blanc qui vont s’imposer au fil des années comme des chevaux de bataille mehldauïens : « Blackbird », enregistré dès ses débuts sur The Art of the Trio Vol. 1, et « Martha My Dear », gravé en 2005 et paru sur Day Is Done.

— Brad Mehldau: "Blackbird"(Lennon-McCartney) -"The art of the Trio" 1997
— Brad Mehldau - Martha My Dear

Si les versions en trio demeurent généralement assez proches de l’esprit des originaux, celles en solo prennent plutôt les compositions comme point de départ d’une exploration musicale sans limites, suite de variations « diabelliques » pouvant aller jusqu’à la déconstruction totale du thème, ou mieux encore à sa dissolution complète dans un grand bain harmonique et rythmique puisant à la fois dans le romantisme, le minimalisme et la transe jarrettienne. Ainsi de cette relecture d’« And I Love Her », ballade intemporelle dont on ne compte plus les reprises jazz, qu’elles soient de Fred Hersch, Marc Copland, Pat Metheny, ou même Al Di Meola.

— Brad Mehldau - And I Love Her (Live)

Quelles chansons Brad Mehldau nous proposera-t-il pour ses premiers concerts entièrement dévolus au répertoire des Fab Four ? Les paris sont ouverts, mais mieux vaut au final se laisser surprendre. Tout juste peut-on espérer qu’il n’oubliera pas « She’s Leaving Home », chef-d’œuvre signé McCartney qu’on adorerait réentendre sous ses doigts.

— Brad Mehldau - She's Leaving Home
Pascal Rozat

Journaliste à Jazz Magazine, Pascal Rozat développe également des activités de programmateur ainsi que de producteur sur France Musique.

Photo © Jean-Baptiste Millot