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Dienstag aus Licht de Karlheinz Stockhausen, un affrontement musical

Publié le 05 octobre 2020 — par Maxime Pascal

© Nieto

Véritable opéra des utopies sonores, la quatrième partie du cycle Licht traite du conflit entre Lucifer et Michaël. 

Le chef d’orchestre Maxime Pascal nous éclaire sur cette œuvre mythique. 

Achevé en 2002 , le cycle Licht inaugure le XXIe siècle. Ces sept « Journées » qui déplient à l’échelle de vingt-neuf heures une polyphonie de quelques secondes, contiennent tant d’invention, d’expression et de surprise, qu’elles dévoilent un horizon inouï pour les auditeurs et les musiciens d’aujourd’hui. Par son écriture de l’espace et du temps, par la synthèse du théâtre musical et des rituels du monde entier, par la réalisation de ses utopies acoustiques, Stockhausen bouleverse notre expérience sensorielle du spectacle musical. Il fait de l’écoute du phénomène sonore un acte profond.


Les sept opéras qui composent ce cycle monumental vivent aujourd’hui une étape toute particulière de leur existence, quittant les mains du créateur et interprète omniprésent pour atterrir dans celles d’une nouvelle génération de musiciens, désireuse d’en découvrir les richesses.


À la fin des années 2000 , encore étudiant au conservatoire, je suis tombé par hasard sur la partition d’une scène du cycle, Examen. Je fus interpellé par une écriture dont je n’imaginais pas l’existence, une écriture des gestes d’un danseur-mime destinée à rendre visible la polyphonie des voix et des instruments. À l’appel du désir de l’entendre et de la voir, je décidai de la programmer. Il naquit alors une fascination émouvante du Balcon pour Licht, qui nous amena à jouer d’autres scènes et à les étudier avec les interprètes pour lesquels elles avaient été écrites, comme Markus Stockhausen, trompettiste, fils du compositeur et premier Michaël.


Dix ans plus tard, en 2018 , nous donnions la création française de  Donnerstag aus Licht  (Jeudi de Lumière) à l’Opéra-Comique, la première des sept journées. Interpréter l’intégralité du cycle est apparu comme une évidence : un opéra par an pendant sept ans, dans la volonté de concrétiser le rêve initial du compositeur : jouer les sept opéras en une semaine. Samedi de Lumière suivit en juin 2019, à la Philharmonie de Paris.

Après  Donnerstag  qui présente le personnage de Michaël et contient un troublant récit de la jeunesse du compositeur, après Samstag qui montre le caractère libre et imprévisible de Lucifer, Dienstag aus Licht (Mardi de Lumière)  traite du conflit entre ces deux personnages. Michaël est associé à la joie de l’enfance et à l’amour du temps humain, tandis que Lucifer porte en lui le chaos et perturbe l’ordre naturel. Ces deux personnages-mélodies s’opposent dans un affrontement fraternel, cosmique mais avant tout musical. Cette dualité est le cœur de l’opéra, on assiste à une guerre acoustique entre les personnages dont les armes sont la mélodie, le rythme, le timbre, le geste et le mouvement du son dans l’espace.


L’opéra se conclut par l’arrivée du Fou, un personnage fou de musique, de sons électroniques et de synthétiseurs. Au son de ses claviers, comme devant la lyre d’Orphée, les monstres s’adouciront et les soldats déposeront les armes. Stockhausen était convaincu que la musique transforme les hommes et les rend meilleurs. Le cycle  Licht, œuvre de toute une vie, est un projet anthropologique et astronomique sans précédent. Il est aussi une déclaration d’amour à l’humanité.

 

Le site Philharmonie à la demande vous propose d'autres contributions sur le cycle Licht et Karlheinz Stockhausen.

Écouter la conférence de Laurent Feneyrou

Visionner le concert Samstag aus Licht