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ELECTRO : L’ART DE LA POCHETTE

Publié le 17 mai 2019 — par Patrick Thévenin

© DR

L’électro a poussé l’art de la pochette de disques dans ses retranchements, bousculant les codes en vigueur, pour en faire un terrain d’expérimentations sans pareil pour les graphistes. Petit tour d’horizon de quatre « pochette makers » qui ont changé la donne.

THE DESIGNERS REPUBLIC

Formés en 1986 à Sheffield – haut lieu des premiers pas de l’électronique anglaise (Human League, Heaven 17, Cabaret Voltaire en sont originaires) – par le graphiste Ian Anderson secondé par le sculpteur et musicien Nick Phillips, le studio graphique The Designers Republic a profondément marqué l’identité visuelle des musiques électroniques anglaises. Né en 1961, Ian Anderson, originaire du sud de Londres, a rejoint Sheffield pour y suivre des cours de philosophie. Touche-à-tout, il manage le groupe punk The Infra Red Helicopters qu’il a signé sur le label Buy These Records et s’ochichichichiccupe logiquement de la pochette. C’est la première d’une longue série à venir. Mêlé à la scène proto-électro qui navigue autour de Cabaret Voltaire (et des fameux studios Western Works), il va ainsi commencer à réaliser les visuels de 10 Days In An Elevator, le premier album de Chakk ou ceux des disques de Age Of Chance. Ces artistes vont se retrouver mêlés dans l’aventure de Warp (LFO, Autechre, Boards Of Canada, Aphex Twin) qui va s’imposer comme un des labels les plus influents dans le domaine de la techno expérimentale dans les années 1990 et 2000. Un label dont les Designers Republic et leur graphisme centré sur le lettrisme, l’abstraction pure et les mangas japonais, vont contribuer largement au succès.

— Autechre, Quaristice

— Chakk, 10 Days in an Elevator

GENEVIEVE GAUCKLER

Touche-à-tout de génie, avec un humour tout en délicatesse, la Lyonnaise Geneviève Gauckler, sortie de l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris, s’est attaquée à sa première pochette avec celle du Live ED d’Etienne Daho. Dans la foulée, elle rencontre Éric Morand qui monte alors le label Fnac Music Dance Division (qui deviendra quelques années plus tard F.Com) avec Laurent Garnier, et lui propose de prendre en charge la ligne graphique du label. Les deux fondateurs souhaitent jouer avec le F, comme un logo collé à l’arrière des voitures, afin de rappeler la provenance de cette musique sortie de nulle part pour beaucoup. De 1992 à 1998, Geneviève va ainsi mettre la main à la pâte des pochettes les plus symboliques du label, mélangeant une esthétique de la pochette techno à des références moins évidentes comme la culture manga, le jeu sur les typos ou un certain imaginaire trance. Comme sur les œuvres cultes que sont les pochettes de la compilation La Collection, celle du Shot In The Dark ou du 30 de Garnier ou l’incontournable Boulevard de St Germain qui détourne malicieusement les codes graphiques d’un label comme Blue Note.

— Laurent Garnier, Crispy Bacon

— St Germain, Alabama Blues

H5

Formé en 1996 par Ludovic Houplainer et Antoine Bardou-Jacquet, le studio graphique H5 a rapidement mis sa patte sur le graphisme de la French Touch avec la série de pochettes réalisées pour le projet multi-artistes « Super Discount » drivé par Étienne de Crecy. À l’époque où les premiers ordinateurs Macintosh changent la conception du graphisme, et où l’électro s’affranchit des codes graphiques en vigueur dans la pop, le collectif H5 impose son style. Et fait de son obsession pour le logo, le message publicitaire formel, la typo pour supermarchés et le pop art son ADN visuel. Des pochettes du label Solid formé par Crecy et Gopher à celles de labels comme Source ou Pamplemouse, H5 va vite devenir le partenaire officiel de ce qu’on va appeler la French Touch et se lancer dans l’aventure du clip, notamment avec « The Child » d’Alex Gopher devenue depuis une référence. Écartelé entre le luxe, la pochette et la vidéo, H5 a remis au goût du jour la notion de design graphique merveilleusement illustrée dans le court-métrage Logorama, parfait résumé de ce qui rend leur style unique.

— Super Discount

— Étienne de Crécy, Am I Wrong

So Me

En lançant en 2003 Ed Banger, son propre label, Pedro Winter, figure de la French Touch, mettait un gros coup de pied dans une scène électro endormie, qui n’innovait plus et regardait sa gloire passée avec mélancolie. Pour s’adapter à un nouveau son, empruntant autant aux codes du hard-rock que de la disco, une autre forme de design était nécessaire, et c’est le graphiste So Me, rencontré par Pedro dans une soirée hip-hop, qui s’en est chargé. Avec son mélange de couleurs flashy, de typos semblant dessinées à la main, d’influences tirées de la culture streetwear comme du monde de la skate culture, l’univers imaginé par So Me va parfaitement s’adapter au dynamisme développé par Ed Banger et devenir un obligé du label qui a fait de la bande de potes son leitmotiv. Aujourd’hui, toujours en charge du design chez Ed Banger, So Me a multiplié les collaborations avec la mode, réalisé un documentaire sur Justice avec Romain Gavras, lancé sa marque de vêtements et pense à réaliser un jour un long-métrage mais attend d’avoir le bon scénario entre les mains.

— Sebastian, Ross Ross Ross

— Cross, Justice