Qu’elles soient instrumentistes, cheffes d’orchestre ou compositrices, depuis trop longtemps les femmes sont mises au ban du monde musical. La Philharmonie de Paris tente de leur rendre leur juste place dans l’histoire et dans l’actualité de la musique.
Depuis trop longtemps, les femmes sont mises au ban du monde musical : combien d’orchestres étaient exclusivement masculins voilà encore trente ans ? Combien d’orchestres de premier plan ont à leur tête une femme ? Combien en ont eu à ce jour ? Combien de compositrices que l’on n’a pas voulu entendre, certaines voyant leurs œuvres publiées sous le nom de leurs maris ou de leurs frères ?
Si la parité est encore loin, il faut parfois forcer le changement. C’est pourquoi la Philharmonie s’est engagée dans une véritable politique de promotion des musiciennes. À commencer par les cheffes d’orchestre, invitées en nombre cette saison. Et ce, dès l’ouverture de la saison, puisque c’est à Karina Canellakis que revient cet honneur, à la tête de l’Orchestre de Paris – qu’elle retrouvera à nouveau en janvier. Si la jeune Américaine ouvre le bal, elle est suivie de Marin Aslop, Susanna Mälkki ou Simone Young (toutes trois également avec l’Orchestre de Paris) – qui, en tant que pionnières, ont subi tant d’avanies. Mais il s’agit aussi de révéler les jeunes talents, de soutenir leurs carrières envers et contre tous les préjugés, ceux des musiciens comme ceux du public.
Ces jeunes femmes sont mises en avant tout au long de l’année, venant des quatre coins du globe : Lin Liao et Elim Chan se produiront avec l’Ensemble intercontemporain, Corinna Niemeyer dirigera deux concerts de l’Orchestre de Paris, mais aussi Xian Zhang, Ruth Reinhardt, Kristiina Poska, Michelle Merrill ou encore la Lituanienne Mirga Gražinyté-Tyla qui, à la tête de son orchestre, le City Of Birmingham Symphony Orchestra, défendra une œuvre de sa compatriote Raminta Šerkšnytė… Car les compositrices ne sont bien sûr pas oubliées, tout au long de cette saison : on entendra des œuvres de la Britannique Rebecca Saunders, de la Polonaise Elżbieta Sikora (par l’Orchestre Pasdeloup sous la direction d’une autre femme, Elena Schwarz), de la Finlandaise Kaija Saariaho et bien d’autres…
Les femmes, qu’elles soient cheffes ou compositrices, seront du reste associées à tous les grands événements de la Philharmonie. Ainsi des commandes de quatuors à cordes ont-elles été passées à la Franco-Américaine Betsy Jolas et la Britanno-Bulgare Dobrinka Tabakova, qui seront créées dans le cadre de la neuvième édition de notre désormais incontournable Biennale en janvier. L’Italienne Clara Ianotta et l’Autrichienne Olga Neuwirth seront mises à l’honneur par l’Ensemble intercontemporain le temps d’un Grand Soir placé sous le signe du « Cabinet des curiosités » le 13 mars. Quant à la cheffe Deborah Waldman, elle dirigera un orchestre constitué d’élèves d’Ile-de-France dans le cadre du Week-end Amateurs (le 7 juin).
Last but not least, les femmes seront au centre d’un week-end tout entier. Un week-end intitulé « Elles », du 19 au 22 mars, qui mettra les musiques de Laurie Anderson, Francesca Verunelli, Clara Ianotta ou Rebecca Saunders (encore elles) en perspective avec celles de leurs aînées, les romantiques Clara Wieck-Schumann et Fanny Mendelssohn, ou l’ultramoderne Américaine Ruth Crawford (Seeger est le nom de son mari, que nous oublierons donc ici), tandis que l’Ensemble Dedalus brossera le portrait d’Éliane Radigue, pionnière de l’électroacoustique.
Ce week-end verra enfin la première édition du Concours International de Cheffes d’Orchestre – une première mondiale qui fait suite au « Tremplin » organisé l’an passé par Claire Gibault, et dont on entendra du reste les trois lauréates, Sora Elisabeth Lee, Lucie Leguay et Nil Venditti, à la tête de l’orchestre Les Siècles le 17 novembre. Dans un monde idéal, ce genre de concours ne devrait jamais avoir lieu – hélas, notre monde est loin d’être idéal, et tout doit être fait pour le rendre plus juste.