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Vincent Agrech
Vos parents étant eux-mêmes instrumentistes, on imagine votre enfance baignée de musique…
Klaus Mäkelä
Il y a plein de manières de devenir musicien ! J’ai eu la chance d’y avoir accès dès le plus jeune âge, et mes tout premiers souvenirs, ce sont les disques qui passaient à la maison, et mes parents répétant tous les deux, mon père au violoncelle, ma mère au piano. Mais le plus important, c’est d’avoir toujours été encouragé, jamais poussé. Toutes les familles de musiciens sont différentes, la mienne a toujours respecté mes choix et ma passion.
Vous souvenez-vous des premières œuvres entendues ?
K. M. : Bien sûr ! Mon premier amour était Mozart ; il l’est resté. Un jour, mon père a rapporté un enregistrement de la Symphonie no 39 en mi bémol majeur. Je l’ai écouté en boucle. L’opéra m’a aussi beaucoup influencé. À 7 ans, l’âge d’entrée à l’école primaire en Finlande, j’ai rejoint le Chœur d’enfants de l’Opéra national, et me suis immergé dans le répertoire lyrique. Car nous ne chantions pas seulement Tosca, La Bohème ou Carmen, il y avait aussi des œuvres plutôt… hardcore : Boris Godounov, La Khovanchtchina, La Femme sans ombre. Tous ces univers littéraires et théâtraux m’ont profondément impressionné, et fait grandir. La structuration de ma pensée musicale, c’est cependant d’abord au violoncelle que je la dois. Pour diriger un orchestre de haut niveau, il me semble nécessaire d’être soi-même instrumentiste. Prétendre sans cela guider les autres serait absurde, voire immoral.
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Pourquoi le choix de cet instrument ? L’influence familiale, encore ?
K. M. : Certainement, celle de mon père, mais aussi de mon oncle maternel. Dotés de personnalités très différentes, l’un et l’autre ont incarné des modèles. Avec le recul, cela me paraît un bon choix. Les violoncellistes sont souvent des gens assez détendus, mais d’une grande exigence. Leur instrument permet d’accéder à deux des trois piliers de la musique : la mélodie et la basse. J’admets que c’est un peu plus compliqué pour l’harmonie ! Et le répertoire est immense, car au-delà du domaine symphonique, il y a tous les trésors de la musique de chambre, en particulier le quatuor à cordes, que j’ai abondamment pratiqué étant jeune – plus maintenant hélas, avec la vieillesse, il faut faire des choix ! Plus sérieusement, on n’insistera jamais assez sur l’aspect fondamental de cette connaissance du quatuor pour les chefs, par la complexité structurelle qu’il suppose de maîtriser, son alliance de puissance intellectuelle et de suggestion poétique. L’un des plus beaux miracles d’une formation symphonique, c’est de retrouver la liberté de jouer malgré les contraintes du grand effectif. Les musiciens de l’Orchestre de Paris n’ont pas besoin de vous regarder battre la mesure en permanence. Au-delà de la synchronisation, ils attendent que vous leur proposiez ces visions, ces images nouvelles que la musique de chambre apprend à aller chercher au fond de soi.
Propos recueillis par Vincent Agrech