Dès la sortie du premier épisode, en 1977, Star Wars marque profondément l’histoire du cinéma et de la musique de film. La saga créée par George Lucas deviendra un véritable phénomène de société.
Outre la richesse, la créativité de son univers visuel et les conquêtes successives réalisées par la société d’effets spéciaux fondée par George Lucas, Industrial Light & Magic, ce space opera ouvre d’autres horizons sonores à la fois par l’inventivité des bruitages conçus par Ben Burtt, et par l’ampleur, la densité et la luxuriance de la partition symphonique signée par John Williams.
Sauts temporels et narratifs
Figure incontournable de la musique de film contemporaine, musicien attitré de Steven Spielberg oscarisé cinq fois (notamment pour Star Wars en 1978), Williams est étroitement associé au rayonnement de la saga galactique. Formé de trois trilogies séparées respectivement de 16 et de 10 années, Star Wars couvre une période très étirée de 42 ans. Fait unique dans l’histoire de la musique de cinéma, les partitions des huit épisodes réalisés à ce jour sont toutes de la main du même compositeur malgré l’écart temporel conséquent entre le premier film, Un nouvel espoir, et le dernier épisode sorti en salles, Les Derniers Jedi (2017). Par ailleurs, au lieu de composer dans un ordre chronologique et linéaire, Williams est amené, sur la deuxième trilogie de Lucas (1999-2005), à écrire « à rebours » puisque l’action se déroule avant celle de la première trilogie (1977-1983), dans un processus de fondation et de retour aux origines. À l’inverse, l’épisode VII, Le Réveil de la Force (2015), poursuit l’histoire du Retour du Jedi (1983) une trentaine d’années après la chute de l’Empire galactique, impliquant pour le compositeur un nouveau saut temporel et narratif.
Magnificence orchestrale
L’une des particularités musicales de Star Wars réside dans l’affirmation du grand orchestre symphonique, signalée dès son générique de début – décliné à l’identique d’épisode en épisode – par un synchronisme éclatant entre musique et image, précédé d’un grand silence théâtral qui accompagne l’énigmatique « Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine… » en lettres bleues sur fond noir. Si Williams avait déjà fait déjà appel à la musique symphonique dans ses compositions antérieures, notamment dans son corpus de films-catastrophe, c’est véritablement avec Star Wars qu’il confère une vitalité nouvelle à ce style d’écriture en mobilisant une masse orchestrale imposante au sein d’une partition avoisinant les 90 minutes de musique, proche de l’idéal esthétique du « 100% musical » du cinéma classique hollywoodien. L’ampleur et la magnificence orchestrales de Star Wars s’avèrent relativement singulières après la période du « Nouvel Hollywood » dominée par les compilations de chansons pop et rock and roll au succès commercial quasi assuré pour les producteurs.
Bouleversements technologiques
Liée à la formation même de Williams auprès des compositeurs de l’âge d’or hollywoodien tels Franz Waxman ou Dimitri Tiomkin, cette renaissance symphonique au cinéma est en outre étroitement corrélée aux progrès techniques, notamment l’apparition du système de filtrage Dolby Stéréo en 1977. Grâce au filtrage et à l’emploi de pistes sonores séparées, le Dolby valorise la richesse du son déployé – tant pour les effets sonores que pour la partition orchestrale – par la diminution des bruits parasites, par une extension des dynamiques et des fréquences dans un éventail plus large. Quelques décennies plus tard, Le Réveil de la Force bénéficie du son numérique Dolby Digital et Dolby Atmos offrant flexibilité, netteté de rendu, puissance sonore et possibilité de spatialisation accrue. Du Dolby à l’ère numérique, le monde sonore de Star Wars dans son ensemble évolue conjointement avec les bouleversements technologiques : d’Un Nouvel Espoir au Réveil de la Force, présentés dans le cadre de cette série de ciné-concerts, la manière de composer et d’envisager la musique au sein des films s’est vue profondément transformée.