Un podcast pour les 3-8 ans.
Conte-moi la musique : des histoires fabuleuses, drôles et poétiques, imaginées à partir des instruments du Musée de la musique.
Écoutez ce podcast sur Apple Podcasts, Deezer, Google Podcasts ou Spotify.
Transcription :
LA SYMPHONIE DU TIGRE
Conte écrit par Laure Urgin
Un tigre régnait sur une forêt. Une belle forêt. Une grande forêt.
Mais les oiseaux revenant de voyage lui avaient raconté qu’ailleurs vivaient des hommes. Les hommes possédaient des maisons, des villages, des palais, des vêtements, des bijoux, et faisaient des festins. Les hommes avaient l’air très malins, très forts mais aussi dangereux avec des fusils qui faisaient beaucoup de bruit et qui crachaient du feu.
Le tigre avait très envie de rencontrer les hommes.
Un matin, il est sorti de la forêt. Il a marché lentement, royalement, tigrement.
Il a croisé un premier homme qui cultivait son champ. L’homme s’est mis à trembler de peur.
« Tigre, si tu me laisses la vie sauve, je te donnerais mon champ. Tout ce qui poussera sera à toi. Tu n’auras jamais faim. »
Le tigre a répondu :
« Homme, dans la forêt j’ai toujours le ventre plein, je n’ai pas besoin de ton champ. »
Puis le tigre a continué son chemin, lentement, royalement, tigrement.
Il a croisé un autre homme qui construisait une maison.
L’homme, comme le premier, a tremblé en voyant le tigre.
« Tigre, si tu me laisses la vie sauve, je te construirais une maison. Elle te protègera du mauvais temps. Tu n’auras jamais froid. »
Mais le tigre a répondu à l’homme :
« Homme, regarde ! J’ai ma fourrure pour ça. Elle est couleur de neige, de feu et de charbon de bois. Je n’ai pas besoin d’un toit. »
Le tigre a rencontré un troisième homme. C’était un guerrier. Mais le guerrier, comme les autres a tremblé.
« Tigre, si tu me laisses la vie sauve, je t’offrirais mon épée. »
Le tigre a ri cette fois :
« Homme, mes griffes sont acérées et mes dents redoutables. Je suis grand. Je suis puissant. Que ferais-je d’une épée ? »
Le tigre était fatigué de marcher, lentement, royalement, tigrement. Décidément les hommes n’étaient pas très intéressants et tout ce qu’ils lui offraient n’avait aucun intérêt.
Il était sur le point de repartir dans la forêt quand il a aperçu un homme, qui, lui, ne s’est même pas retourné en l’entendant approcher. L’homme regardait une page blanche sur laquelle étaient tracées des lignes noires avec de drôles de signes.
L’homme était un compositeur. Il écrivait de la musique.
L’homme a fini par voir le tigre arriver lentement, royalement, tigrement. Il a ouvert les yeux et la bouche, très grands. Mais il n’a pas tremblé et il n’a pas crié. Il a souri.
« Quelle merveille », a-t-il dit. « Tigre, comme tu es beau, comme tu es grand ! Et ces lignes sur ta robe, on dirait les lignes de ma partition ! Et ces taches sur tes oreilles, on croirait voir des notes de musique. Tigre, tu me donnes très envie d’inventer une musique ! «
Et le compositeur a commencé à travailler, à composer une symphonie, une musique pleine de notes, pleine d’instruments.
Le tigre était impressionné. Cet homme n’avait pas peur de lui ! Et puis, qu’était-ce donc la musique ? Le tigre s’est couché et il a attendu.
Au bout de plusieurs jours, le compositeur lui a dit :
« Tigre, ce soir, tu entendras ma symphonie. Des musiciens viendront et ils joueront.
Mais mon ami, pour ne pas leur faire peur, voici un bel habit. S’il te plaît, porte-le. Comme cela, tu ressembleras à un homme grâce à l’ombre de la nuit. »
La symphonie a commencé.
Dès que la musique a résonné, le tigre a frissonné. Chaque son lui donnait l’impression de voir les nuages, les montagnes, les arbres, le soleil ou l’orage. Tout était dans la musique. Même les battements de son cœur.
A partir de ce jour, une fois dans l’année, le tigre revenait chez le compositeur. Revêtu du bel habit, il écoutait sa symphonie et il tremblait.
Ce n’était pas par peur. Il tremblait de bonheur.