Grand succès de Bowie au milieu des années 1970, “Fame” foule étrangement les terres funky de James Brown.
En 1974, David Bowie sortait d’un long corridor pavé d’or où le risque d’une glissade fatale restait permanent. Après le succès phénoménal rencontré deux ans plus tôt par Ziggy Stardust, confirmé par les séquelles glam rock Alladin Sane et Diamond Dog, après les tournées triomphales mais exténuantes qui s’en étaient suivies aux États-Unis, en Europe, au Japon, il cherchait à reprendre son souffle tout en conservant un coup d’avance sur la concurrence. Ce qui l’amena naturellement à lorgner sur ce qui était en passe de reconfigurer toute la culture musicale des futures décennies, à savoir la soul et le disco.
Après avoir emménagé à Manhattan, il fila à Philadelphie avec son nouveau guitariste Carlos Alomar et loua les studios du label Philadelphia International Records des producteurs orfèvres Kenny Gamble et Leon Huff, d’où devaient sortir certains des plus grands tubes disco, et ce pour y enregistrerYoung Americans, album hommage à la jeunesse américaine mais surtout à une black music en pleine renaissance.
L’une des chansons de ce disque paru en janvier 1975 s’intitulait « Fame ». Carlos Alomar l’avait conçue en s’inspirant de ce style funky qui avait fait de James Brown le seigneur régnant sans partage sur les pistes de danse. Lorsque Brown entendit le morceau, son ego en prit un coup. Il était très flatté d’être copié aussi scrupuleusement par l’une des plus grandes stars du moment mais aussi très irrité que cette musique qu’il avait inventée de toute pièce puisse faire l’objet d’une contrefaçon aussi flagrante. Il décida donc d’enregistrer à son tour le morceau « Fame » en le rebaptisant « Hot » (I Need to Be Loved Loved Loved). Il s’agissait en l’occurrence de la copie d’une copie. Le morceau parut en janvier 1976 et plongea Bowie et son entourage dans l’embarras. Que faire devant un cas aussi évident de plagiat ? Conscient des motivations de Brown, Bowie choisit d’emprunter le chemin de la sagesse. D’après Carlos Alomar, cité par le biographe David Buckley, « David était extrêmement flatté que James ait pu jeter son dévolu sur l’une de ses chansons. Mais il n’entendait pas pour autant subir un quelconque préjudice. Il se rangea donc à l’idée qu’il fallait attendre. Il me dit : “Si le morceau entre dans les charts, nous intenterons une action en justice”. » Mais le disque ne fit rien et la polémique mourut instantanément dans l’œuf.