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Le Cahier d’atelier de Robert Bouchet réédité

Publié le 10 octobre 2023 — par Sabrina Valy et Marie-Pauline Martin

— Renan Aouam présente le Cahier d’atelier de Robert Bouchet

Renan Aouam présente le Cahier d’atelier de Robert Bouchet

Il a commencé à écrire ce carnet dans les années 50. Beaucoup de choses ont changé. Il a utilisé un peu comme référence ses premières années de construction. « Tiens, il ne faut pas oublier ça, ne pas coller à l’envers. » On voit souvent des petites annotations où on sent les erreurs qu’il a pu faire et des petits rappels. Peut-être qu’il était parfois tête en l’air. À la fin de sa vie, il colorie le carnet, ce qu’il n’avait pas fait les 30 années précédentes. Il a dû le colorier autour de 1983, quelque chose comme ça. Donc vraiment tout à la fin, probablement un jour où il s’ennuyait, il savait pas quoi peindre, et son élève Jean-Pierre Mazet lui demande ce qu’il fait. « Je dessine mon carnet. Ça fait 30 ans, il est temps. » Donc il met ses dessins en couleurs. Ce carnet décrit des tests, des choses qu’il a créées, qui ont réussi. C’est un peu un pense-bête. Pour un jeune luthier qui se lance, ça permet d’éviter certaines erreurs. Bien faire les choses dans les règles. C’est la rigueur de Bouchet qui ressort dans ce livre-là. Il découvre le salon des Amis de la Guitare avec Lafon, Verdier, tous les gens qui s’y rendent. Il rencontre Lagoya, Presti qui était encore très jeune avant-guerre, et il fréquente l’atelier de Julian Gomez Ramirez. Il a une excellente mémoire visuelle. Il prend des notes, parce qu’il se fait construire une guitare, mais quand il fait ce carnet, Julian Gomez Ramirez est déjà mort depuis des années, donc il fait tout de mémoire, et en allant découvrir d’autres guitares. Il y a des gens qui se souviennent de lui sur des guitares classiques ou romantiques, où vraiment, il explore tous les instruments, il regarde comment ça se passe. Comment faire au mieux pour créer l’instrument qui me ressemble le plus ? C’est plus ou moins ce qu’il a vu chez Ramirez, qui construisait des têtes complètement pleines et qui ne les ajourait pas avant de construire. Bouchet, dans son carnet, l’annote de cette manière. Or, à la fin de sa carrière, voire assez rapidement, il ne fait plus ses têtes en fin de construction, mais avant. C’est dit dans le carnet : dans une guitare espagnole, tout est construit autour du manche. Et si on fait une erreur sur la tête, à la fin de la construction, comme c’est noté dans le carnet, ça peut être très problématique ! On a construit toute la guitare et d’un coup, la tête est mal faite, on a un éclat ou autre. On fait quoi ? Soit on est très ingénieux ou très doué pour remettre un petit filet de bois pour que ça ne se voie pas, ou il faut tout recommencer ! Les guitares Bouchet ou de cette facture traditionnelle sont très émouvantes. Elles touchent quelque chose de personnel. On touche à l’intimité par les guitares traditionnelles. Le barrage d’une guitare, c’est sa carte son. Chaque luthier impose la carte son en fonction du son qu’il veut avoir. C’est en construisant, en faisant des essais, des  erreurs, qu’on apporte des retouches pour avoir le son qui nous correspond vraiment. L’école française n’est pas dans la copie. On tient de Bouchet cette philosophie d’aborder la construction de la guitare. Chacun va chercher un barrage différent. Toutes ces barrettes qu’on vient accoler à la table d’harmonie de la guitare vont créer une structure sonore, une sculpture qui correspond à chaque luthier. C’est une signature forte, autant que la tête de la guitare ou la rosace, qui sont les grosses signatures sur un instrument. La pratique, c’est la clé. Il faut tester des choses, et c’est ce que Bouchet a fait avec son premier barrage et sa fameuse barre d’âme. Il a tâtonné, tenté des choses. Parfois, on se plante. Se tromper, c’est très formateur. Heureusement qu’il y a ces phases-là qui nous permettent d’améliorer. J’ai essayé de garder une certaine forme d’élégance au niveau de la tête, tout en gardant quelque chose d’assez  homogène et qui a une certaine cohérence avec l’ensemble de l’instrument. Des formes rondes, une rosace sobre mais travaillée, rien de tape-à-l’œil. Sur le chevalet, j’ai gardé plus ou moins les dimensions de Bouchet et la fileterie extérieure qui est de la même essence que le fond et les éclisses. Il y a toujours une cohérence dans les guitares de Bouchet et j’essaye de garder ça dans nos constructions. Ce cahier est toujours vivant. Il est toujours acheté par de jeunes luthiers, des passionnés ou des curieux. C’est un document très intéressant, il est exploitable comme si on l’avait fait, d’une certaine manière.

Entretien : Sabrina Valy & Tristan Duval-Cos
Réalisation : Laurent Sarazin – Imaginé productions
Montage : Laurent Sarazin & Olympe Petrou – Imaginé productions

Vingt ans après la première édition du fameux Cahier d’atelier de Robert Bouchet, les Éditions de la Philharmonie offrent une version actualisée et complétée de cet exceptionnel document. Le facteur de guitares classiques Renan Aouam commente cette référence mythique de la facture instrumentale. Une invitation au do-it-yourself.

Entamé après-guerre en 1950, ce carnet qui détaille la construction d’une guitare classique est nourri de l’engouement de son auteur pour l’instrument et la tradition artisanale des artistes luthiers espagnols. Ses planches, renumérisées et reproduites en fac-similé en première partie du livre, sont plus que jamais mises en valeur : leur potentiel concret nous rappelle combien sont précieuses les archives d’ateliers, comme celle donnée au Musée de la musique en 1988 par Madame Andrée Bouchet. Ces documents viennent enrichir notre collection d’instruments et l’histoire culturelle de la musique qu’elle incarne et, au-delà de l’utilité pratique des méthodes prodiguées, leur valeur esthétique est inestimable.

— Extrait du Cahier d’atelier de Robert Bouchet

Par l’ajout d’un texte inédit de Joël Dugot, cette édition est l’occasion de saluer l’engagement intact de celui qui contribua à une meilleure connaissance du patrimoine instrumental, et notamment de la guitare classique, en tant que conservateur du Musée de la musique entre 1987 et 2012. Par la reprise de leurs textes initialement parus dans l’édition de 2003, nous tenons également à honorer deux figures majeures de l’histoire de la guitare, proches de Robert Bouchet : Bruno Marlat, collectionneur et érudit, disparu en 2019, ainsi que Daniel Friederich, luthier, mort en 2020. Le premier brosse, avec Catherine Marlat, un portrait de l’homme sensible, artiste peintre et luthier autodidacte ; le second livre un commentaire du document page après page, émaillé selon le cas de précisions, ajouts contextuels, rectifications.

— Extrait du Cahier d’atelier de Robert Bouchet

Au même moment, les Éditions de la Philharmonie rééditent une série de dessins techniques issus des collections du Musée de la musique. Ces plans d’instruments sont également utilisés pour la fabrication de fac-similés : imprimés sur papier et reproduits à l’échelle 1/1, ils coïncident toujours avec les besoins et pratiques des luthiers et facteurs d’instruments d’aujourd’hui, professionnels ou amateurs, entretenant un rapport vivant avec les nouvelles générations d’étudiants, de musiciens, de collectionneurs. De la même manière que le Cahier de Robert Bouchet, ils rendent un double hommage aux créateurs des instruments et à ceux qui, par leur étude, leur savoir, leur goût du dessin et de l’astuce, ont fait œuvre de transmission, prolongeant le geste artisanal dans l’espace et dans le temps.


Robert Bouchet, Cahier d’atelier : la construction d’une guitare classique, [2003], Paris, Éditions de la Philharmonie, coll. « Musée de la musique », nouvelle édition 2023.

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Sabrina Valy

Directrice des Éditions de la Philharmonie

Marie-Pauline Martin

Directrice du Musée de la musique

  • Texte : Sabrina Valy & Marie-Pauline Martin
  • Entretien : Sabrina Valy & Tristan Duval-Cos
  • Réalisation : Laurent Sarazin - Imaginé productions
  • Montage : Olympe Petrou - Imaginé productions
  • © Cité de la musique - Philharmonie de Paris