La série Les Clés du classique nous fait découvrir les grandes œuvres du répertoire musical.
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Les extraits de la Symphonie n° 9 de Gustav Mahler sont interprétés par l'Orchestre de l'Opéra national de Paris, sous la direction de Philippe Jordan. Ce concert a été enregistré à la Philharmonie de Paris le mercredi 16 novembre 2016.
Retrouvez l'intégralité du concert sur Philharmonie à la demande.
Gustav Mahler : la Symphonie n° 9
Été 1909, à Alt-Schluderbach, à trois kilomètres de Toblach, en Italie… Gustav Mahler a 49 ans et il vient de subir les pires épreuves. L’année fatale de 1907 l’a en effet épuisé : pour commencer, il a été contraint de quitter l’Opéra de Vienne, qu’il dirigeait depuis 10 ans et auquel il était attaché. Et ce n’est là que le premier maillon d’une chaîne de malheurs. La même année, il perd sa fille aînée, Maria, emportée par la scarlatine, et il se découvre lui-même atteint d’une maladie du cœur. Les médecins préconisent à Mahler de renoncer aux activités physiques, un crève-cœur pour ce grand sportif. « C’est la plus grande calamité qui ne m’ait jamais atteint, écrit-il au chef Bruno Walter. […] Pour mon "exercice" intérieur, j’ai besoin d’exercice physique. […] Depuis bien des années, je m’étais habitué aux exercices les plus violents, courir les forêts, escalader les cimes, pour en rapporter des esquisses [musicales] tel un butin conquis de haute lutte. Je ne revenais à ma table de travail que comme un paysan qui rentre sa récolte, uniquement pour donner à mes esquisses une forme. »
C’est aussi à cette époque que Mahler devient directeur musical du Metropolitan Opera et du New York Philharmonic. Quinze mois après la mort de sa fille, il achève Le Chant de la Terre, une œuvre à mi-chemin entre le lied et la symphonie. Il la sous-titre « Symphonie pour ténor, alto (ou baryton) et grand orchestre », mais refuse de la numéroter, sans doute par superstition – n’oublions pas que depuis Beethoven, aucun compositeur allemand majeur n’a pu aller au-delà de neuf symphonies !
Lors de cet été 1909 à Alt-Schluderbach, Alma Mahler a fait construire une Komponierhäuschen, autrement dit une « cabane à composer », près de leur hébergement, pour que son époux puisse travailler sereinement. Petit à petit, seul au milieu des bois, Gustav Mahler retrouve l’énergie créatrice. Il travaille à une nouvelle symphonie. Celle à laquelle il pourra sans crainte donner le numéro 9. Mahler ne va pas tellement laisser de traces sur la genèse de la Neuvième. Il écrit tout de même à Bruno Walter : « L’œuvre elle-même est un heureux enrichissement de ma petite famille. » Et plus loin : « La partition a été écrite à une vitesse folle et elle est illisible pour d’autres yeux que les miens. J’espère de tout cœur que le temps de la mettre au net me sera accordé cet hiver. »
Dans cette symphonie, Mahler laisse de côté sa recherche de mélange vocal et instrumental, poussé à son paroxysme dans la Huitième Symphonie, dite « Des Mille », et dans Le Chant de la Terre. Ici, la musique parle pour elle-même. Dans la Neuvième, chaque mouvement est composé dans une tonalité différente : ré majeur, ut majeur, la mineur et ré bémol majeur. La symphonie s’ouvre et se clôt de manière originale, par deux mouvements lents qui encerclent deux mouvements plus rapides, un Ländler et un Rondo-Burleske.
Pour plusieurs critiques, cette Neuvième Symphonie est un chant du cygne. Marc Vignal parle d’une « réflexion sur la Mort et un second chant d’adieu à la Terre ». Mais cet adieu n’est sans doute pas réel ; à l’époque, Mahler n’est pas encore gravement malade. C’est en 1911 qu’il contracte une infection irrémédiable, aux États-Unis. Il meurt quelques mois plus tard, à seulement cinquante ans. La Symphonie n° 9 est créée à Vienne le 26 juin 1912, sous la direction de Bruno Walter.
Quelque part, la malédiction de la Neuvième Symphonie l’aura bien frappé : Mahler laisse dernière lui une Dixième Symphonie inachevée.