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Les Clés du classique #17 - La Passion selon saint Matthieu de Bach

Publié le 02 février 2022 — par Charlotte Landru-Chandès

 Œuvre monumentale composée quelques mois après l'arrivée de Bach à Leipzig, la  Passion selon saint Matthieu  adopte la forme de l'oratorio, tout en présentant des similitudes avec l'opéra italien de l’époque.

La série Les Clés du classique nous fait découvrir les grandes œuvres du répertoire musical.

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Les extraits de La Passion selon saint Matthieu de Johann Sebastian Bach sont interprétés par Les Musiciens du Louvre Grenoble, sous la direction de Marc Minkowski. Ce concert a été enregistré à la Salle Pleyel le dimanche 8 avril 2012.

Retrouvez l'intégralité du concert sur Philharmonie à la demande.


Johann Sebastian Bach : La Passion selon saint Matthieu​​​​​​​

11 avril 1727, à Leipzig. En ce Vendredi saint, Johann Sebastian Bach fait exécuter son nouvel oratorio, la Passion selon saint Matthieu, à l’Église Saint-Thomas. Chaque Vendredi saint, c’est la tradition, on donne un oratorio de la Passion, autrement dit un récit commenté de la mise à mort du Christ, en musique. L’oratorio est toujours donné dans l’une des deux grandes églises de la ville, Saint-Nicolas ou Saint-Thomas. Depuis 1723, Bach est cantor de Leipzig, autrement dit, maître de chapelle. Il occupera cette fonction jusqu’à sa mort en 1750.

C’est à partir de la Renaissance que l’on commence à mettre en musique la Passion du Christ. Le genre de la « Passion-oratorio » connaît son apogée à l’époque baroque. Au début du XVIIIe siècle, elle est accompagnée d’une cérémonie, qui inclut aussi des motets, des chorals et une homélie entre les deux parties de la Passion.

Dans la Passion selon saint Matthieu, Bach utilise non pas un mais deux chœurs. L’avantage, à Saint-Thomas, c’est qu’en plus de la grande tribune située au fond de l’église, il existe une autre tribune, plus petite, au-dessus du chœur, elle aussi avec orgue. De quoi créer une mise en espace intéressante. Sur chaque tribune, il y aura donc un orgue, un chœur et un ensemble instrumental. L'œuvre alterne entre, d’une part les récits, qui correspondent au texte de l’Évangile selon saint Matthieu, sur les derniers jours de Jésus, et d’autre part les commentaires.
Le récit de la première partie commence lors du dernier repas du Christ avec ses disciples et se clôt par l’arrestation de Jésus à Gethsémani. La seconde partie s’ouvre sur la comparution de Jésus devant le Grand-Prêtre, jusqu’à la mise au tombeau.
En ce qui concerne les commentaires, les textes ne proviennent pas de l’Évangile. Il faut écrire un livret. Bach fait alors appel à son ami Christian Friedrich Henrici, plus connu sous le pseudonyme de Picander. Les commentaires vont être donnés sous forme d’airs ou de chœurs.

En plus des récitatifs et des commentaires, il y a aussi les chorals, insérés entre les différentes parties. Ce sont des moments essentiels du service luthérien. Les textes, très sobres, sont connus de tous les fidèles. Picander prévoit d’en insérer seulement deux. Mais c’est trop peu pour Bach ! Finalement, il y en aura 14.
Le livret, qui n’est donc pas tiré de l’Évangile, doit passer sous le contrôle des hautes autorités. Pour la musique, pas de vérification, mais elle ne doit pas être trop théâtrale. Il faut dire qu’à Leipzig, à l’époque, on n'apprécie pas tellement le mélange des genres.

Dans son contrat d’engagement, en 1723, Bach certifie : « Pour contribuer au maintien du bon ordre dans ces églises, j’aménagerai la musique de telle sorte qu’elle ne dure pas trop longtemps, qu’elle soit aussi de nature telle qu’elle ne paraisse pas sortir d’un théâtre, mais bien plutôt qu’elle incite les auditeurs à la piété. »

On peut dire que Bach déroge à ses règles… Œuvre monumentale, la Passion selon saint Matthieu offre en effet près de trois heures de musique, une heure de plus que la Passion selon saint Jean. En ce qui concerne la forme de l'œuvre, on peut remarquer des similitudes avec l'opéra italien de l’époque : c’est le récit qui assure la narration et permet à l’action d’avancer, tandis que les airs sont des moments de réflexion, d’affect, de méditation. Mais le schéma de l’oratorio est différent, sans doute plus varié que celui des opéras du début du XVIIIe siècle.
Bach retouchera son œuvre à plusieurs reprises, notamment en 1729. C’est cette version, recréée en avril de la même année, que l’on a aujourd’hui l’habitude d’entendre.

Charlotte Landru-Chandès

Charlotte Landru-Chandès  collabore à France Musique, La Lettre du Musicien et Classica. Elle conçoit des podcasts pour l'Opéra national de Paris et la Philharmonie de Paris.

Un podcast de Charlotte Landru-Chandès, réalisé par Taïssia Froidure. Une production Cité de la musique - Philharmonie de Paris.