La série Les Clés du classique vous fait découvrir les grandes œuvres du répertoire musical.

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Les extraits de L’Enfant et les Sortilèges sont interprétés par l’Orchestre National de Lyon, le Chœur Britten et la Maîtrise de l’Opéra de Lyon sous la direction de Leonard Slatkin. Concert enregistré à la Salle Pleyel le 29 janvier 2013.

Retrouvez l’intégralité du concert sur Philharmonie  à la demande.

C’est en 1914 que Jacques Rouché, directeur de l’Opéra de Paris, commande le livret de l’œuvre à Colette. Maurice Ravel, alors en pleine gloire, est choisi pour composer la musique qui l’accompagnera. Dans un premier temps, ce dernier se montre réticent, mais après cinq ans de silence, Ravel revient finalement vers Colette en 1919. 

Avec enthousiasme, il l’interroge alors sur quelques points du livret, lui fait des suggestions. Par exemple, il lui demande si le récit de l'écureuil ne pourrait pas être plus développé : « Imaginez tout ce que peut dire de la forêt un écureuil, et ce que ça peut donner en musique ! », écrit-il.

Toutefois il faut encore s’accorder sur le titre… Colette rêve depuis longtemps d’écrire un texte féerique pour sa fille, surnommée Bel-Gazou. Elle aimerait intituler l'œuvre Ballet pour ma fille. Ravel, qui n’a pas de fille, se montre sceptique. On hésite… Ce sera peut-être Pour une enfant… ou tout simplement L’Enfant. Finalement, l’œuvre est éditée sous le titre L’Enfant et les Sortilèges. Sa création à l’Opéra de Monte-Carlo en mars 1925 est un événement. Ravel est à l’époque considéré comme le plus grand musicien français et tout le monde attend l'œuvre avec impatience. 

Œuvre d’apprentissage, L’Enfant et les Sortilèges nous plonge dans le monde de l’enfance, de ses expériences et de ses cruautés. Le livret se découpe en deux tableaux. Le premier dans la maison, puis le second dans le jardin. Il met en scène un enfant rebelle et capricieux, qui refuse de faire ses devoirs et se retrouve puni par sa mère. Pour se venger, pris d’un accès de colère, il détruit tout ce qui l’entoure : il casse la théière, tire la queue du chat, met la pièce sens dessus dessous… Les meubles prennent vie et se révoltent contre leur bourreau. Dans le jardin aussi, les animaux reprochent à l’Enfant de les avoir torturés. Mais dans la bataille, un petit écureuil a été blessé. L’Enfant lui vient en aide, c’est un premier pas vers la sagesse…

Fantaisie lyrique, L’Enfant et les Sortilèges mêle tous les styles, de toutes les époques, de Bach jusqu’à… Ravel : elle emprunte à l’opéra italien, aux opérettes américaines, inclut des rythmes de jazz, de ragtime, ou encore de fox-trot… Ravel sort beaucoup et est très au fait des musiques à la mode. Et surtout, il aime pasticher. Par exemple, la scène du Pâtre et de la Pastourelle est un pastiche d’une chanson de la Renaissance. De même, si la scène de la Princesse, accompagnée d’une unique flûte, frappe d’abord par sa pudeur, elle s’achève dans un grand épanchement lyrique digne d’un opéra de Puccini.

Après l’humour et la féerie vient le mystère. Dans le second tableau, celui du jardin, le décor sonore change du tout au tout. Tous les méfaits de l’enfant envers les animaux sont exposés sur une musique un peu effrayante. Très lyrique, la scène de l’Écureuil, dont Ravel avait demandé à Colette qu’elle soit développée, est sans doute le paroxysme de ce deuxième tableau. 

Ravel termine l’écriture de la partition seulement cinq jours avant la création ! L’opéra est créé le 21 mars 1925 à l’Opéra de Monte-Carlo où il reçoit un accueil enthousiaste.