La série Les Clés du classique vous fait découvrir les grandes œuvres du répertoire musical.
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Les extraits du Concerto pour piano sont interprétés par le London Symphony Orchestra et Maria João Pires sous la direction de Sir John Eliot Gardiner. Concert enregistré à la Philharmonie de Paris le 18 janvier 2014.
Retrouvez l’intégralité du concert sur Philharmonie à la demande.
Année 1840, à Leipzig. Après bien des difficultés, Robert Schumann a enfin réussi à épouser l’élue de son cœur, la talentueuse pianiste Clara Wieck. Les jeunes époux sont au début de leur vie conjugale et tout se passe pour le mieux.
Robert est dans un bon élan créatif, en particulier dans le domaine du lied.
Cependant, cela fait un moment qu’il songe à composer un concerto pour piano, sans pour autant y parvenir. En 1839, il en est déjà à quatre tentatives avortées. Il envisage alors une forme intermédiaire : «Quelque chose entre la symphonie, le concerto et la grande sonate, écrit-il, car je vois que je ne peux pas écrire un concerto pour virtuose… il faut que je songe à autre chose.»
De son côté, à seulement 21 ans, Clara est déjà une brillante pianiste et compositrice. Dès l’âge de 10 ans, elle livre des premiers écrits prometteurs, et à 16 ans, en 1835, elle crée son propre Concerto pour piano, sous la direction de Felix Mendelssohn. À cette époque, elle connaît déjà Robert, qui la conseille et l’encourage.
Après son mariage, en 1840, Clara Schumann met la composition de côté pour se consacrer à sa famille. Cela ne l’empêchera pas de continuer à se produire en concert tout au long de sa vie.
Les réflexions de Robert finissent par aboutir et en mai 1841, il livre une pièce appelée Fantaisie pour piano et orchestre, dédiée à Clara, qui deviendra le premier mouvement de son Concerto pour piano quatre ans plus tard.
«Quand toutes les nuances seront bien au point, écrit Clara dans son Journal intime en août 1841, la Fantaisie produira certainement la plus profonde impression sur les auditeurs. Le piano est si délicatement enchevêtré avec l’orchestre qu’on ne saurait penser l’un sans l’autre.»
À l’été 1845, Schumann revient sur sa Fantaisie et décide de lui ajouter deux autres mouvements pour en faire un concerto.
Les deux nouveaux mouvements s’enchaînent à merveille avec le premier : aucune rupture de style ne se fait sentir entre la Fantaisie et la suite du Concerto. Le dialogue est fluide et équilibré entre le soliste et l’orchestre, et le lyrisme de l’écriture ne peut que séduire.
Le premier mouvement – notre ancienne Fantaisie, s’ouvre par un thème mélancolique au hautbois, ensuite développé au piano. On devine la présence en filigrane de deux personnages chers à Schumann et tout droit sortis de son imagination, Florestan et Eusebius, qui s’expriment sans cesse dans sa musique, miroirs de sa personnalité complexe. Si le premier est passionné et fougueux, le second se montre tendre et délicat.
L’Intermezzo, le deuxième mouvement, est une parenthèse poétique et intime. Nous sommes ici davantage dans le domaine de la musique de chambre. La partition n’est par ailleurs pas sans rappeler l’écriture de Mozart.
À l’inverse, le finale se veut conquérant, brillant, et peut évoquer le troisième mouvement du Concerto «Empereur» de Beethoven.
Quand il achève son Concerto pour piano, Schumann n’est pas au meilleur de sa forme : les dernières années ont été difficiles, le compositeur est sujet à des angoisses et sombre parfois dans la dépression. Il devient nerveux, irritable.
La création du Concerto a lieu à Dresde le 4 décembre 1845. Ce jour-là, c’est Clara qui est au clavier, sous la direction de Ferdinand Hiller. Le public semble sceptique, ce qui rend Clara furieuse. Heureusement, lors de sa reprise le 1er janvier 1846 à Leipzig, sous la direction de Felix Mendelssohn, ami des Schumann, c’est un triomphe ! Son succès ne cessera d’aller crescendo.
Cinq ans après la création du Concerto pour piano, Schumann compose un Concerto pour violoncelle, également en la mineur – tonalité chère à son auteur. Celui-ci s’imposera comme l’un des chefs-d’œuvre du répertoire pour violoncelle.
La voie semble ouverte pour les grands concertos romantiques à venir, ceux de Brahms et de Grieg, mais aussi de Dvořák.