Rencontre avec Daniel Barenboim, à l’occasion de la Première Biennale Pierre Boulez qui se tient à Paris et à Berlin (3-8 septembre 2018).
La Philharmonie de Paris lui devait bien ça : une Biennale Pierre Boulez, pour explorer la si riche galaxie de celui qui s’est tant battu pour qu’elle existe. Une biennale pour entendre son œuvre, bien sûr, mais aussi pour remonter aux sources de son génie musical, aller à la découverte des compositeurs qu’il a défendus, le tout sans jamais perdre de vue l’avenir.
C’est tout naturellement à l’Ensemble intercontemporain, et son directeur musical Matthias Pintscher à sa tête, que revient l’honneur d’interpréter, le 4 septembre au soir, son premier chef-d’œuvre : Le Marteau sans maître. Ce cycle fondateur, aussi radical que sensuel, dans lequel Boulez met sa plume au service de la poésie surréaliste de René Char, est mis en perspective avec les racines viennoises de l’écriture boulézienne : la seconde École de Vienne, ici représentée sous ses formes les plus aphoristiques par Alban Berg et Anton Webern.
Co-initiateur de cette Biennale avec la Pierre Boulez Saal qu’il a ouverte à Berlin, Daniel Barenboim poursuit cette généalogie du maître en dirigeant la Staatskapelle Berlin dans l’œuvre symphonique de Claude Debussy (le 5 septembre) ainsi que dans Le Sacre du Printemps d’Igor Stravinski (le 6 septembre), non sans un clin d’œil pour les indéfectibles amitiés que Boulez a nouées dans le monde musical, avec son Rituel in memoriam Bruno Maderna. En compagnie du bien nommé Boulez Ensemble, enfin, Barenboim défend (le 8 septembre) une autre œuvre emblématique de l’œuvre de Boulez : Sur Incises. Incises étant reprise, un peu plus tard le même jour, par le Néerlandais Ralph Van Raat au cours d’un récital intégralement consacré au piano de Boulez – avec notamment la première mondiale d’une œuvre de jeunesse : Prélude, Toccata et Scherzo.
Mais Boulez ne tirait pas son inspiration de la seule musique européenne : il se disait ainsi « impressionné » par les « superpositions rythmiques complexes » du gagaku impérial. Cette Biennale est donc l’occasion d’un coup de projecteur, le 3 septembre, sur cette « musique raffinée, élégante » qui, empruntant aux traditions chinoises et coréennes autant que japonaises, a tenu lieu de musique de cour pour l’Empereur du Japon pendant près de quinze siècles !
Enfin, si la promotion de la musique de son temps était l’une des principales préoccupations de cette figure de proue de la modernité, préparer celle de demain en était une autre. Parmi les jeunes compositeurs qui ont bénéficié des conseils du maître, Benjamin Attahir est l’un des derniers. La création de son spectacle Boulevard des oiseaux (le 7 septembre), conçu avec le dramaturge Lancelot Hamelin et interprété par le violoniste Renaud Capuçon et la comédienne Jennifer Decker, fait à cet égard figure de passage de relais…