Longtemps les musiciens ont été dépossédés des décisions qui ont trait au quotidien de la musique. Pendant toute sa vie, Pierre Boulez a souhaité les en réinvestir : c’est ce qu’ont fait, chacun à son tour et à sa manière, Peter Eötvös et Bruno Mantovani, réunis ici avec leur maître.

Ce concert se tisse d’un jeu savant de dédicaces. Dédiée à Elliott Carter pour son quatre-vingtième anniversaire, Dérive 2 est l’occasion pour Pierre Boulez de développer une réflexion sur le phénomène de la périodicité — afin d’explorer tout ce qui relève du tuilage, du glissement, du déphasage, de l’échange. C’est aussi un anniversaire qui inspire à Peter Eötvös son Steine : le soixantième de Pierre Boulez (Steine signifie « pierres » en allemand). Une œuvre placée sous le signe de la pédagogie, afin « d’exercer et d’aiguiser l’ouïe des musiciens, et de perfectionner leur capacité de réaction, dans un contexte polyphonique, au sein de divers ensembles instrumentaux » et qui fait aussi du chef d’orchestre un interprète, afin de mieux travailler des techniques de jeu d’ordinaire utilisées en musique de chambre, mais vingt-deux musiciens. Un projet que Bruno Mantovani, par ailleurs directeur du Conservatoire de Paris, ne renierait certainement pas, et moins encore dans cette commande de l’EIC pour percussion et ensemble, qui lui permet de donner libre cours à son goût pour les formes concertantes atypiques.