Véritable déclaration d’amour, cette première chanson laisse entrevoir une gouaille prometteuse. Elle ouvre une œuvre poétique riche et passionnante.
Il l’aime, sa ville, Renaud ! Elle est son oxygène, son inspiration créative. Il lui offre là une déclaration d’amour, un véritable hymne. « Y’a plein d’amour dans les ruelles, Et d’poésie dans les gratte-ciel ». Spontanément, le public remplace le titre de l’album par le titre de la chanson : quatre accords de guitare, un accordéon, ambiance baloche, Renaud apparaît sur la pochette en Gavroche, béret, clope au bec, bandana autour du cou en porte-parole des petits.
Poésie révoltée, assoiffée de liberté, cette première chanson nous laisse entrevoir une gouaille prometteuse qui va secouer la bien-pensance ambiante dans cette France post soixante-huitarde enlisée dans le giscardisme conservateur. Mai 68 aura éveillé des consciences écolos mais le Renaud libertaire et fin provocateur écrira quelques années plus tard : « Moi, j’suis amoureux de Paname, / Du béton et du macadam, / Sous les pavés ouais, c’est la plage / Mais l’bitume c’est mon paysage ». Le voilà déjà singulièrement en marge de la chanson de ses contemporains qui loue les vertus d’un arbre dans la ville ou d’un petit jardin près du métropolitain. Renaud, par ce titre et ce premier album, se distinguera et se fera remarquer par un public habitué à la variété de Maritie et Gilbert Carpentier.
Tout l’univers artistique de Renaud, âgé alors de 23 ans, est déjà là. Ce Paris populaire de Bruant, Dimey, Lemarque, du pavé, des bistrots et des quartiers qu’il aime tant s’en est allé peu à peu, poussé par les sièges sociaux et les open-space, au-delà du périphérique et des banlieues rouges devenues bobos. Les chansons de Renaud, les photos de Doisneau, les dessins de Cabu demeurent. Cette poésie forme le message amorcé par le jeune Renaud dans ce premier titre qui ouvre une œuvre poétique riche, passionnante, bouleversante d’humanisme sur fond social et de révolte libertaire.