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Nino Rota, compositeur tout-terrain

Publié le 19 octobre 2021 — par Pascal Bertin

— Nino Rota - © Bridgeman Images

Entré dans l’histoire de la musique pour sa collaboration avec le cinéma, Nino Rota a aussi œuvré dans des registres plus classiques. Le week-end qui lui est consacré souligne l'éclectisme et la richesse de sa production.

— Playlist - Nino Rota

 

Un héritage pluriel
En ce week-end Nino Rota, pas question de ne célébrer que son œuvre mémorable pour le cinéma, née de sa longue relation professionnelle et amicale avec Federico Fellini. De formation classique, le compositeur italien laisse un héritage qui compte aussi concertos, ballets, opéras, symphonies et musique de chambre. En dehors des concerts, de nombreux ateliers permettent au public d’appréhender la richesse de ses pratiques orchestrales.
Né le 3 décembre 1911 à Milan, Rota entre très tôt au Conservatoire de la ville. Doué et précoce, il compose dès ses 8 ans. Alors qu’il n’a que 12 ans, son premier oratorio est présenté à Milan et à Paris. Il dirige aussi des orchestres et poursuit ses études au Conservatoire Sainte-Cécile de Rome. Grâce à une bourse, il étudie deux années à l’Institut Curtis de Philadelphie où il parfait son art de la direction et de l’écriture, découvrant dans un même temps le cinéma et les compositeurs américains.

 

Une production effrénée
Son retour coïncide avec le décollage de l’industrie cinématographique de son pays. Rota compose sa première musique de film en 1933, puis la fin de la Seconde Guerre mondiale le voit épouser la vitalité de la production italienne au rythme de plusieurs bandes originales par an. En 1951, il rencontre Fellini qui travaille à son premier film, Les Feux du music-hall. Entre ces deux physiques opposés – Rota est aussi menu que le réalisateur en impose par sa carrure – nait une formidable complicité. Rota composera pour nombre de ses chefs-d’œuvre, parmi lesquels Les Vitelloni, La strada, La dolce vita, Huit et demi, Satyricon, Amarcord, Le Casanova de Fellini… jusqu’au dernier, Répétition d’orchestre, en 1978, un an avant sa disparition. Pensée pour les images de Fellini, sa musique agit sur leur force poétique tel un miroir grossissant.

 

— Fellini/Rota : Amarcord

 

À travers ses 170 BO, Nino Rota montre sa capacité à s’adapter à des genres et des réalisateurs différents, comme Edgar G. Ulmer, Alberto Lattuada, Henry Cass, Luigi Comencini, Terence Young, Edward Dmytryk, Mario Monicelli et Franco Zeffirelli, ainsi que René Clément, Christian-Jaque ou Henri Verneuil côté français. Et impossible d’oublier Rocco et ses frères ainsi que Le Guépard de Luchino Visconti, ou encore les deux premiers volets du Parrain de Francis Ford Coppola, ce dernier lui valant l’Oscar de la meilleure musique de film en 1974 pour Le Parrain II.

 

Thèmes célèbres et musique pure
Donné jeudi 25 novembre et repris samedi 27, le ciné-concert Notte Italiana (« nuit italienne ») sonne l’ouverture du week-end Nino Rota. Il combine des extraits orchestraux de thèmes célèbres (Amarcord, La dolce vita, Le Casanova de Fellini, Juliette des esprits, Les Nuits de Cabiria…) et des séquences de films, de documentaires, des dessins du maître… Un exercice tant artistique que didactique sur la complémentarité des deux artistes, par l’Orchestre de Paris sous la direction de Frank Strobel. Vendredi 26 novembre, place à un autre volet de son travail avec un Concerto pour cordes joué par la Kremerata Baltica, orchestre de chambre rassemblant des musiciens baltes, mené par son directeur artistique et violoniste letton Gidon Kremer. Par ailleurs, passionné par le travail d’Astor Piazzolla, ce dernier rend aussi hommage au musicien argentin en interprétant quelques pièces ainsi que des tangos. À la même heure, un concert de restitution convie des musiciens amateurs à jouer des thèmes de Rota pour Fellini, dont Le Cheik blanc, La dolce vita, Huit et demi, Répétition d’orchestre, La strada et Amarcord. Enfin, plusieurs événements destinés à un public familial abordent la musique de Rota sous un angle éducatif.

 

— Nino Rota : Musique pour piano

 

Samedi 27 novembre, le ciné-concert en famille Viva la musica! rassemble une galerie de personnages felliniens à travers des extraits de films et des dessins mis en musique, mettant en lumière la portée enfantine et féerique de leurs collaborations. Le concert Cinecittà s’adresse, lui aussi, à tous les publics, avec l’Orchestre national d'Île-de-France dirigé par Giuseppe Grazioli, qui interprète des musiques de Rota sur une dramaturgie de Julien Cottereau, Anna Mihalcea et Serge Nicolaï.

 

— Nino Rota : thème du film Casanova

Le week-end se clôt dimanche 28 sur le concert Nino Rota intime, qui sort du cadre du cinéma. Accompagnés de la pianiste Vanessa Benelli Mosell, les musiciens de l'Orchestre de Paris s’emparent de la Suite du film Le Casanova de Fellini et l’entourent de trois partitions de chambre moins connues : Lo spiritismo nella vecchia casa, pour clarinette, originellement composée pour une pièce d’Ugo Betti ; Piccola offerta musicale, pour flûte, hautbois, clarinette, cor et basson, et enfin Nonet, pour flûte, hautbois, clarinette, basson, cor, violon, alto, violoncelle et contrebasse, qui résume à merveille comment Rota a réalisé la synthèse parfaite entre son cursus classique et l’art de la musique de film dont il demeure un monument.

Pascal Bertin

Journaliste et auteur, Pascal Bertin est le collaborateur régulier de Libération, Tsugi, Getup Radio, Vice France, ainsi que de la SACEM, du Printemps de Bourges et du CDN de Reims.