Les chansons des Beatles appartiennent à l’histoire, tout le monde peut les réinterpréter à sa façon : Brad Mehldau les tire vers le jazz, Keren Ann y pose sa voix singulière, Rover s’empare de l’album Revolver, tandis que le Quatuor Debussy et leurs compagnons en font des concertos grossos baroques !
Si l’un des plus célèbres titres des Beatles a pour nom « A Day in the Life », le week-end du 18 au 20 septembre pourrait s’intituler « A Life in Three Days » : c’est en effet au cours de ces trois journées que seront mis à l’honneur l’œuvre et l’héritage du groupe britannique. Rare chanson née de l’association de deux idées initialement dues à John Lennon et Paul McCartney, « A Day in the Life » a nécessité trente-quatre heures d’enregistrement dans les studios londoniens d’Abbey Road, quatre pianos joués simultanément et un orchestre symphonique dont le son sera comme multiplié par quatre. Ce tour de force, qui clôt leur chef-d’œuvre Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (1967), illustre à lui seul tant l’apport révolutionnaire du groupe aux musiques populaires du XXe siècle que son impact sur le travail de production à travers son appropriation des différents types d’orchestrations, du classique au psychédélisme. Autant de raisons pour que, cinquante ans après sa séparation, les hommages continuent de pleuvoir du monde entier, venus de toutes les familles musicales.
Aucun continent, aucune culture, aucune décennie n’aura été épargnée par la Beatlemania.
Avant d’imprimer à tout jamais leur marque sur le rock, McCartney, Lennon, George Harrison et Ringo Starr allaient démarrer leur aventure dans le vent de leur ville de Liverpool, qui leur amènerait les effluves du rock’n’roll né de l’autre côté de l’Atlantique. Portée par leur fougue adolescente, leur appropriation du genre dans le respect des pionniers paverait vite la route à une salutaire émancipation. Leur œuvre provoquerait une saine émulation avec toute une nouvelle génération de formations phares des années 1960, des Byrds aux Rolling Stones, des Beach Boys aux Kinks. Aucun continent, aucune culture, aucune décennie n’aura été épargnée par la Beatlemania, au point que le groupe en aura été la première victime, cessant de donner tout concert à partir de 1966 et ce, pour les trois années de riche activité en studio qu’il lui resterait à vivre. Leur course en tête se conclurait par un héritage incommensurable dont profitent encore des artistes d’aujourd’hui, un pesant d’or de treize albums produits sur seulement sept ans de haute activité.
Ainsi s’explique la tournure forcément omnidirectionnelle prise par la programmation du Week-end Intégrale Beatles. Il démarre par un concert de Brad Mehldau qui met son piano au service de compositions ainsi dépouillées de leurs instrumentations d’origine. Toujours plus libre, la Parisienne Keren Ann invite à un format hybride le temps d’un concert qui mêle interprétations intimistes et discussion avec le public.
Le chanteur-musicien Timothée Régnier, alias Rover, a choisi de concentrer son concert sur son quasi homonyme Revolver, classique de 1966, et premier grand virage expérimental du parcours des Beatles. Enfin, comme dans un éternel balancier de l’histoire, le Quatuor Debussy livre des versions spécialement adaptées aux cordes d’une sélection de chansons des quatre Anglais, manière d’encore démontrer la force intrinsèque de composition du groupe quand ses chansons sont délestées de leurs attributs pop. Ou comment encore faire rimer rock et baroque.
À ce riche programme d’hommages s’ajoutent un concert-promenade à goûter en famille, des écoutes et une scène ouverte aux musiciens amateurs, des rencontres et des débats. L’accord parfait pour comprendre d’où venait cette Revolution et pourquoi la magie Beatles opère toujours plus d’un demi-siècle plus tard.