Schubert est l’un de ses compositeurs de prédilection de la pianiste portugaise. «Ce que j’aime, chez lui, c’est sa façon d’accepter, à l’inverse de Beethoven qui lutte pour une idée. Il y a dans sa musique cette acceptation, et c’est une chose très belle que de se lier à ce sentiment. Ce n’est pas toujours bien, de tout accepter. Mais chez Schubert, il y a ce partage, une espèce d’amour, une pureté dans sa musique», confiait-elle au micro de France Musique en juin dernier. Ses enregistrements solo, notamment, témoignent de cette proximité entre l’univers du compositeur et celui de la pianiste. On imagine d’ailleurs qu’ils ont des traits de caractère en commun, dans ce mélange si touchant entre profonde humilité et puissance d’une vision artistique hautement personnelle.
S’il a aussi touché avec génie aux grands effectifs, orchestraux comme choraux, Schubert s’est tout particulièrement épanoui dans la sphère intime, celle que Maria João Pires met à l’honneur pour les quatre concerts de ce week-end «Schubertiades». Chacun d’entre eux prend pour centre une ou deux œuvres de premier plan (le Quatorzième Quatuor, la Sonate D960, la Sonate «Arpeggione», la Fantaisie D940, le Trio n°2, le Quintette «La Truite»), datant pour l’essentiel des dernières années de vie du compositeur, autour desquelles gravitent des pièces plus courtes. Ces rendez-vous sont infusés de l’esprit des réunions originelles, qui prirent dès les années 1820 le nom de «Schubertiades»: amis et admirateurs de Schubert se réunissaient pour interpréter sa musique, lire des poèmes ou s’adonner à d’autres passe-temps sociaux.
Ce cycle a été conçu par Maria João Pires et Judite da Silva Gameiro comme un voyage à travers l’universalité de Schubert. Chacun des artistes, choisis pour leur personnalité et leur talent singuliers, est invité à exprimer sa rencontre intime avec lui. À travers le jazz, la musique populaire, ainsi que des compositeurs contemporains d’origine japonaise et sud-africaine, différentes cultures posent leur regard sur la sensibilité schubertienne. La scénographie de Judite da Silva Gameiro vient placer la musique dans un écrin de couleurs, d’ombres et de lumière pour accompagner les spectateurs dans cette traversée de l’âme.