Philharmonie de Paris - Page d'accueil

Week-end Schubertiades : autour de Maria João Pires

Publié le 29 juin 2023

— Maria João Pires présente le cycle Schubertiades

Maria João Pires présente le cycle Schubertiades

Le projet « Schubertiades » s’englobe dans beaucoup de projets qui ont une mise en scène différente et, d’une certaine façon, on va dire « minimaliste », parce qu’elle n’envahit pas le son, elle traduit le son. C’est une mise en espace et en couleurs pour que la musique soit à l’aise dans cet espace. On a des musiciens très classiques, hyper classiques. On a des musiciens qui sont peut-être populaires, on a des compositeurs contemporains qui vont composer quelque chose sur un thème de Schubert. Donc c’est la vision de Schubert et comment il inspire le monde. Dans cette perspective, j’ai travaillé avec une artiste qui s’appelle Judite da Silva Gameiro, qui est d’origine portugaise, mais qui vit en France. J’ai beaucoup travaillé avec elle, toujours pour des projets expérimentaux. Elle a très bien compris cette démarche de créer un espace qui ne soit pas formel, et qui ne prenne pas la place de la musique, mais au contraire, qui lui permette d’exister et d’être écoutée. Au fond, c’est un espace d’écoute. Et la Schubertiade est un espace de partage. Au temps de Schubert, les gens étaient ensemble autour d’une table. Ils discutaient, ils jouaient aux cartes, ils faisaient des choses. Ils n’avaient rien d’autre que ça, la musique. Ils faisaient de la musique, ils partageaient la musique des uns et des autres. J’aimerais que la Schubertiade ne soit pas sur mon nom, qu’elle soit sur le nom de tout le monde. Ce n’est pas moi qui invite des amis, ce n’est pas moi qui invite des jeunes, ce n’est pas moi qui aide les autres. Pas du tout. C’est Schubert qui est présent, et c’est par respect pour le compositeur, pour Schubert et pour tout ce qu’il a écrit, que nous sommes là et que nous partageons cette scène. Je cherche à donner une vision de la musique de Schubert très élargie. Qu’est-ce que c’est, l’interprétation ? Comment est-ce qu’on interprète un compositeur ? D’une façon libre, d’une façon compréhensive, avec une écoute de l’essentiel, ou avec une écoute un peu déformée ? Comment écoute-t-on, sur les différents continents, la musique de Schubert ? Montrer ça, c’est très important. Schubert nous ramène à une chose essentielle pour l’être humain : la simplicité. C’est une chose rare aujourd’hui, d’aimer la simplicité. Ça veut dire la vénérer, savoir que c’est dans les choses simples que nous trouvons aussi le bonheur, les petits moments de bonheur.

Dessins de Judite da Silva Gameiro
Extrait musical : Schubert, Sonate « Arpeggione » en la mineur D 821, interprétée par Maria João Pires & Antonio Meneses, enregistrée à l’Ambassade du Brésil à Rome le 15 novembre 2011.
Entretien : Tristan Duval-Cos
Réalisation : Laurent Sarazin - Imaginé productions
Montage : Olympe Petrou & Laurent Sarazin - Imaginé productions

Conçu par Maria João Pires et Judite da Silva Gameiro, le cycle Schubertiades invite à un voyage au plus près de l’intime. Quatre concerts donnent à entendre lieder, pièces pour piano et chefs-d’œuvre de la musique de chambre.

Schubert est l’un de ses compositeurs de prédilection de la pianiste portugaise. «Ce que j’aime, chez lui, c’est sa façon d’accepter, à l’inverse de Beethoven qui lutte pour une idée. Il y a dans sa musique cette acceptation, et c’est une chose très belle que de se lier à ce sentiment. Ce n’est pas toujours bien, de tout accepter. Mais chez Schubert, il y a ce partage, une espèce d’amour, une pureté dans sa musique», confiait-elle au micro de France Musique en juin dernier. Ses enregistrements solo, notamment, témoignent de cette proximité entre l’univers du compositeur et celui de la pianiste. On imagine d’ailleurs qu’ils ont des traits de caractère en commun, dans ce mélange si touchant entre profonde humilité et puissance d’une vision artistique hautement personnelle.

S’il a aussi touché avec génie aux grands effectifs, orchestraux comme choraux, Schubert s’est tout particulièrement épanoui dans la sphère intime, celle que Maria João Pires met à l’honneur pour les quatre concerts de ce week-end «Schubertiades». Chacun d’entre eux prend pour centre une ou deux œuvres de premier plan (le Quatorzième Quatuor, la Sonate D960, la Sonate «Arpeggione», la Fantaisie D940, le Trio n°2, le Quintette «La Truite»), datant pour l’essentiel des dernières années de vie du compositeur, autour desquelles gravitent des pièces plus courtes. Ces rendez-vous sont infusés de l’esprit des réunions originelles, qui prirent dès les années 1820 le nom de «Schubertiades»: amis et admirateurs de Schubert se réunissaient pour interpréter sa musique, lire des poèmes ou s’adonner à d’autres passe-temps sociaux.

Ce cycle a été conçu par Maria João Pires et Judite da Silva Gameiro comme un voyage à travers l’universalité de Schubert. Chacun des artistes, choisis pour leur personnalité et leur talent singuliers, est invité à exprimer sa rencontre intime avec lui. À travers le jazz, la musique populaire, ainsi que des compositeurs contemporains d’origine japonaise et sud-africaine, différentes cultures posent leur regard sur la sensibilité schubertienne. La scénographie de Judite da Silva Gameiro vient placer la musique dans un écrin de couleurs, d’ombres et de lumière pour accompagner les spectateurs dans cette traversée de l’âme.