Du 2e étage, où paillasses et microscopes se jalousent l’espace, au 2e sous-sol, où se cache la «chambre sourde» —cette pièce capitonnée où l’on se met à l’affût des sons— le «labo» est un peu partout dans le Musée de la musique. Il est présent également dans les vitrines et sur les plateaux de concert, à travers les instruments restaurés qui font exister une musique devenue rare, parfois presque entièrement disparue.
Le laboratoire hérite de la double mission de conservation des objets et de transmission des connaissances qui est celle du musée national qui l’abrite. Or, la collection du Musée de la musique, qui compte près de 8500 instruments, a accueilli 900 nouveaux arrivants durant les dix dernières années, chacun devant subir une batterie d’examens avant de trouver sa place en réserve ou en vitrine. Sans compter les multiples interventions nécessaires pour tenter d’arrêter le temps qui passe sur ces trésors du patrimoine culturel.
La traque de la moindre trace d’usure, l’étude des matériaux et la mise en équation des forces qui les traverseraient s’ils devaient être mis sous tension, ou encore l’analyse chimique des décors livrent peu à peu les secrets de l’instrument, mais aussi ceux de sa musique, afin de les préserver l’un et l’autre. À chaque musique sa mécanique, que l’on traite d’instruments traditionnels de l’Inde, de pianos devenus la signature de la manufacture moderne ou de guitares baroques décorées à l’or fin.
La radiographie X et ses consœurs en «-ie» —endoscopie, photogrammétrie, tomographie, holographie, dendrométrie, etc.— permettent de regarder l’instrument sous toutes ses coutures. Ajoutées à la modélisation mécanique, à la datation au Carbone 14 (grâce à l’accélérateur de particules d’un laboratoire voisin), au diagnostic sanitaire guettant la prolifération d’habitants microscopiques dans les bois…: on comprend que le Museum national d’Histoire naturelle, le Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement ou les ateliers de restauration du Louvre figurent au nombre des partenaires de cet espace de recherche interdisciplinaire consacré à la matière sonore. Et lorsqu’un instrument n’est plus en état d’être joué, la somme des regards des ingénieurs, techniciens, jeunes chercheurs et conservateurs réunis autour des objets, et la coopération de facteurs et de musiciens associés, peut aboutir à la création de fac-similés capables de reproduire avec la plus grande fidélité les sonorités d’instruments devenus muets, voire de les réinventer.