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Le Ballet mécanique, une quête de modernité

Publié le 07 octobre 2019 — par Mathilde Thibault-Starzyk

© DR

En 1924, Fernand Léger conçut un film expérimental sur Ballet mécanique de George Antheil. Le titre, Charlot présente le ballet mécanique, était une allusion au producteur André Charlot mais aussi un hommage à Chaplin, qui apparaît sous la forme d’un pantin cubiste. Des extraits de la filmographie de Charlot accompagnent le programme de l’Orchestre du Conservatoire, sur des musiques de l’époque.

— Le Ballet Mecanique 1924

L’histoire du Ballet mécanique est très représentative de la création artistique des premières décennies du XXe siècle. Sa genèse reste incertaine et il est difficile de déterminer qui de Man Ray, de George Antheil, de Dudley Murphy ou encore de Fernand Léger est véritablement à son origine. L’œuvre est conçue au départ comme la rencontre entre cinéma et musique, les images filmées sur pellicule remplaçant la chorégraphie d’un ballet traditionnel. Mais, très vite, musique et images se désolidarisent et donnent naissance à deux créations distinctes. Léger et Murphy imaginent le premier film revendiquant son absence de scénario. Ils travaillent à partir de combinaisons de plans qu’ils répètent inlassablement, la rétine du spectateur se trouvant imprimée à un rythme effréné d’images décomposées d’objets du quotidien, de formes géométriques, mais aussi de bielles et de pistons. Léger va jusqu’à s’emparer de la figure dansante du Charlot de Chaplin – qu’il érige en icône de la modernité – pour en faire un pantin désarticulé qui ouvre et clôt son ballet. Œuvre cubiste d’un nouveau genre, le Ballet mécanique permet à Fernand Léger de pousser encore plus loin ses recherches picturales, en donnant une nouvelle dimension à la question du rythme et de la décomposition des plans.

De son côté, George Antheil se lance dans une expérimentation musicale d’inspiration futuriste et dadaïste. La première version de son Ballet mécanique, avec son orchestration démesurée, se veut l’incarnation d’un avenir où les nouvelles machines repoussent les limites de la réalité. Elle est composée pour seize pianos mécaniques, un xylophone, un tam-tam, sept sonnettes, mais aussi trois hélices d’avion et de nombreuses percussions.

— Antheil - Ballet Mécanique [Audio + Score]

La pièce dure une trentaine de minutes – le double du film de Léger et Murphy – et, devant l’impossibilité de synchroniser les deux œuvres, chacune finit par acquérir son autonomie. Image et musique n’ont jamais été présentées ensemble avant 1953, date à laquelle la partition est révisée, avec une orchestration restreinte, pour que sa durée corresponde à celle du film.

— Milhaud - Cinema - fantaisie after "Le boeuf sur le toit"

Malgré les directions divergentes que ces deux créations ont prises, elles témoignent toutes deux d’une même quête de modernité. À la croisée du cinéma, de la peinture et de la musique, le Ballet mécanique est, autant dans sa forme musicale que visuelle, un terrain d’expérimentation où la théorie la plus pure et l’amour du concret se rejoignent. La pratique du collage et de la répétition du motif, illustrée autant dans le film que dans la partition, est centrale pour beaucoup d’autres artistes de la même époque. En peinture, les cubistes en ont fait leur marque de fabrique. En musique, ce principe guide autant des compositeurs comme Arnold Schönberg – avec la musique sérielle – que Darius Milhaud, qui juxtapose une vingtaine de mélodies brésiliennes dans son Boeuf sur le toit en 1919. Pour cette œuvre, Milhaud revendique d’ailleurs également l’influence du cinéma, et plus précisément de Chaplin : la pièce est imaginée à l’origine comme accompagnement pour une projection d’un de ses films. D’une certaine façon, le travail d’un compositeur comme George Gershwin peut aussi être appréhendé par le même prisme, avec sa capacité à mélanger les genres et à rassembler dans un même projet des éléments du jazz et de la musique symphonique.

— George Gershwin - An American in Paris

Toutes ces œuvres illustrent ainsi ce que Fernand Léger écrit en 1924 : « Il n’y a pas de beau catalogué, hiérarchisé. Le beau est partout. »

Mathilde Thibault-Starzyk