Du 15 au 18 septembre dernier, la Philharmonie de Paris a abrité la première édition du concours international de cheffes d’orchestre. L’occasion de revenir sur les formidables talents qui ont conquis jury et public lors de ces journées.
Le Paris Mozart Orchestra de Claire Gibault a accompagné avec brio les performances des candidates dans un répertoire éclectique : après l’ouverture d’opéra au premier tour, ce fut l’exercice du concerto (demi-finale), puis celui de la grande pièce symphonique en finale, sans oublier l’indispensable création (deux œuvres imposées : humus d’Alexandra Grimal en demi-finale et Was Beethoven African? de Fabio Vacchi en finale). Douze candidates ont été de l’aventure, venues des quatre coins de la planète.
Quatre cheffes ont été distinguées par le jury présidé par Ewa Bogusz-Moore et composé de Marin Alsop, Claire Gibault, Pablo Heras Casado, Sian Edwards, Elizabeth Askren et Maxime Pascal. L’Américano-Indonésienne Rebecca Tong s’est hissée sur la plus haute marche du podium. Lauréate en 2019 d’une bourse Taki Concordia (créée par Marin Alsop pour soutenir les jeunes cheffes), elle accomplit déjà une belle carrière, entre son Indonésie natale (elle est cheffe résidente du Jakarta Simfonia Orchestra) et la Grande-Bretagne (elle est aussi assistante au BBC Philharmonic et au Royal Liverpool Philharmonic Orchestra). Elle réalise dans ce concours un parcours sans faute. Dès le premier tour, elle fait preuve d’originalité en étant la seule à choisir l’Ouverture de La cenerentola de Rossini et en faisant pétiller et galoper l’orchestre. Un talent qu’elle met ensuite au service du bondissant Rondo du Concerto pour violon de Beethoven. C’est ensuite la pâte sonore si particulière des cordes de Bartók dans le final du Divertimento pour cordes de Bartók, qu’elle fait presque danser. Elle se tire enfin, avec élégance, majesté et une pointe d’espièglerie, des complexités contrapuntiques du dernier mouvement de la Symphonie « Eroica » de Beethoven. Outre le Premier Prix, Rebecca Tong remporte le Prix Arte et le Prix des salles et des orchestres français.
Le Deuxième Prix est attribué à une toute jeune Franco-Britannique : Stephanie Childress. Violoniste de formation, elle a amorcé sa carrière de chef outre-Manche et outre-Rhin sous le regard bienveillant de Simon Rattle, Paavo Järvi ou encore Jukka-Pekka Saraste. À tout juste 21 ans, elle maîtrise déjà une gestique sûre et précise (avec ou sans baguette). Elle impressionne par sa maturité dans les deux créations imposées, tout particulièrement dans Was Beethoven African? de Vacchi, dont elle tend le discours avec un talent digne de Hitchcock.
Le Troisième Prix revient à la Colombienne Lina Gonzalez-Granados, elle aussi distinguée par une bourse Taki Concordia en 2017. Elle propose une vision plus ronde et sensuelle de l’orchestre (son Divertimento de Bartók, tout en revitalisant les origines concertantes de l’œuvre, est particulièrement chaleureux et lyrique), tout en apportant un soin remarquable aux équilibres des plans sonores (avec des effets saisissants dans la création de Fabio Vacchi).
Bien que n’ayant pas atteint la Finale, la Vénézuélienne Gladysmarli Del Valle Vadel Marcano (Glass pour les intimes) - pur produit du Sistema, ce dispositif d’éducation pour la musique qui fait des merveilles dans son pays - a été sans conteste la révélation du concours. Sa venue à Paris n’était nullement garantie et n’a pu se faire qu’au terme d’une histoire à la Cendrillon. Profitant de sa chance, elle a enflammé par sa direction explosive et généreuse tant le public que le jury et l’orchestre, qui lui a décerné son Prix spécial.
Vitrine exceptionnelle pour toutes les candidates, primées ou non, La Maestra offre également à chacune un programme d’accompagnement professionnel personnalisé, attribué par la Philharmonie de Paris, le Paris Mozart Orchestra et leurs partenaires français et internationaux.