Présents dans plusieurs pièces créées à cette période, ces cubes ont fait l’une de leurs premières apparitions publiques dans la vitrine de l’Area. Basquiat les a fait revenir, de manière ambiguë, dans la brève vidéo de la série « MTV Art Break », dans laquelle ils sont percutés, guitare en main, par Arto Lindsay. L’un de leurs emplois les plus remarquables est le diptyque formé par les assemblages de Jazz et Black (1986), qui intègrent chacun quatre cubes fixés aux quatre coins. Que Basquiat associe à des œuvres qui conjuguent explicitement génie musical et négritude la forme du cube, qui renvoie au jeu, à la logique, à la construction et à la permutation, en dit long sur sa compréhension des principes au fondement du jazz en général et du be-bop en particulier, et sur la transposition qu’il opère de ce modèle dans ses propres processus de composition. Non seulement l’œuvre de Basquiat, tant dans ses matériaux que dans son édification, échappe à la linéarité et à la planéité, mais encore elle se refuse à la forme fixe, dans ses contours comme dans sa perception : le cube en est la synecdoque. Tout comme le musicien de jazz qui réarrange en permanence dans l’improvisation, chorus après chorus, les éléments de son solo, Basquiat repositionne les tropes de son lexique visuel, symbolique et référentiel d’une œuvre à l’autre, grâce à la photocopie et à l’assemblage.
Basquiat Soundtracks, catalogue de l’exposition, Vincent Bessières, Dieter Buchhart, Mary-Dailey Desmarais (dir.), Éd. Gallimard, Paris, 2023.