La pression monte à l'approche du grand départ pour une résidence de cinq mois sur les îles Kerguelen. La dernière escale et les dernières rencontres (musicales) de Julien Gauthier à Saint-Denis de la Réunion composent le premier épisode de son journal de bord.
LE JOURNAL SONORE
Tout au long de mon voyage, je tiendrai aussi une sorte de journal de bord sonore, à partir de sons que je prendrai sur le terrain. La contrainte qui m'est imposée est la suivante : à cause de la limitation de la bande passante sur les îles australes, chaque épisode sonore ne pourra dépasser 1 minute, ce qui correspond environ à environ 1 Mo en utilisant un format sonore compressé. Pas question évidemment ni de faire plus long, ni d'envoyer un format sonore professionnel qui serait 10 fois plus lourd.
A Saint-Denis de la Réunion, la mer paraît absente alors que la ville est au bord de l'eau, mais la route du littoral crée un véritable barrage. En bord de mer, on perçoit quand même le son des vagues qui se mélange à celui de la circulation. Au gré du parcours sonore, on entend des bribes de répétitions des élèves du conservatoire, avant que tout ne retourne à nouveau à la mer, puisque c'est de là évidemment que se fera mon départ !
(Les extraits de musique entendus sont extraits d'une pièce du compositeur Karl Naegelen, Nuées, qui est travaillée ici par les élèves du CRR et le quatuor Béla, invité lui aussi cette semaine, sous la direction de François Vigneron.)
RENCONTRES AVANT LE VOYAGE
La première escale de ma résidence débute sur l'île de la Réunion, le passage obligé de tous ceux qui se rendent dans les Terres Australes et Antarctiques françaises (les TAAF), puisque c'est de là que part le Marion Dufresne. C'est le directeur du conservatoire de la Réunion, François Vigneron, qui a souhaité que je vienne en amont de la résidence, pour organiser des rencontres avec les élèves et les étudiants du CRR, raconter mon parcours, et surtout parler du projet que je compte réaliser aux Kerguelen. Toute la semaine a été marquée par de nombreuses rencontres : les adultes qui chantent dans le choeur du conservatoire, les élèves d'informatique musicale, de culture, et aussi de nombreux professeurs, comme ceux du département des musiques réunionnaises, ainsi que des grands élèves qui ont travaillé certaines de mes pièces.
Les réunionnais connaissent mieux les Kerguelen que les métropolitains (qui les imaginent souvent en Bretagne !), souvent par l'intermédiaire d'amis ou de connaissances qui s'y sont rendus en mission.
Ma semaine ayant été particulièrement occupée, et terminant chaque soir les rencontres très tard, je n'aurai malheureusement pas eu le temps ni d'aller écouter un concert, ni de découvrir l'intérieur de l'île... Ce sera, je l'espère, à mon retour, prévu pour le 3 mai 2016. J'ai quand même pu me rendre au siège des TAAF où une petite salle d'exposition présente les différents districts, et montre certains vestiges de missions parfois très anciennes, comme celle il y a plus d'un siècle où des scientifiques du monde entier sont venus étudier le passage de Vénus devant le soleil, ou encore des vestiges de tentatives de colonisation permanente de l'île, qui ont toujours été vouées à l'échec.
L'excitation mais aussi l'anxiété montent à l'approche du jour J, le 8 décembre, départ de l'OP4 (opération portuaire n°4), la dernière rotation de l'année du Marion Dufresne, qui desservira les districts de Crozet, Kerguelen, et d'Amsterdam. Comment va se passer le voyage ? La mer semble très calme depuis la Réunion, mais qu'en sera-t-il plus au sud ? Pas de retour avant 5 mois, n'est-ce pas trop long ?
Avec Estelle Nollet, l'autre lauréate de l'Atelier des Ailleurs, qui est arrivée aujourd'hui, la veille du départ, on se dit qu'il est encore temps de reculer, de rentrer chacun chez soi... évidemment sans jamais en croire un seul mot ! Mais c'est certain, une fois que le bateau sera parti avec nous à bord, on ne pourra plus faire marche arrière !