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Épisode 4 - Archipel de Crozet - Arrivée à Kerguelen

Publié le 15 décembre 2015 — par Julien Gauthier

— Manchots royaux dansant - © J.Gauthier

Une brève escale à Crozet, synonyme pour Julien Gauthier de "mal de terre" mais aussi de rencontre avec une colonie de manchots royaux ; avant un retour sur le pont du Marion Dufresne, pour un voyage en mer paisible et studieux à destination de Kerguelen.

Après plusieurs jours de mer, l'arrivée à terre est surprenante : c'est ce qu'on appelle le mal de terre. Moins désagréable que son pendant maritime, il donne quand même l'impression, surtout lorsqu'on est immobile, que c'est alors la terre qui tangue. D'autant qu'il a fallu, pour rejoindre la base Alfred Faure, passer cette fois-ci... par les airs !

En effet, il n'y a pas de port dans les Terres Australes : le bateau mouille au large et le transfert des personnes et des vivres se fait soit en zodiac soit, le plus souvent, par hélicoptère.

A peine à terre, c'est la descente vers la colonie de manchots royaux de la Baie du Marin, à 20 minutes à pied de la base Alfred Faure. Plus on s'approche et plus on se sent envahi par les sons, et tout simplement par l'émotion intense provoquée par l'arrivée dans un tel lieu. Les éléphants de mer se prélassent en attendant leur mue, et quelques manchots papous, plus petits, nichent en hauteur. Devant la colonie des royaux (40 000 individus environ), quelques cabanes servent de local de travail pour les scientifiques sur place.

Bien évidemment, le son des manchots (à ne pas confondre avec les pingouins, oiseaux volants, qui n'existent pas sous ces latitudes) m'intéresse particulièrement. Même s'il ne sera pas question dans mon travail de tenter de reproduire par un orchestre leur son, ce qui ne serait pas forcément intéressant, des éléments rythmiques, de timbre ou de texture pourront influencer certaines parties de mon travail. Une scientifique allemande, Hannah, revient du milieu de la colonie avec le même modèle d'enregistreur que le mien. Je l'interpelle à ce sujet, et elle m'invite à écouter certains de ses enregistrements. Les chercheurs s'intéressent en particulier à la reconnaissance auditive qui intervient pour faciliter les retrouvailles entre un couple après les longues semaines passées en mer pour se nourrir pendant que le partenaire est resté avec l'oeuf.

 

Manchots criant
— Manchots criant - © J.Gauthier

Pour moi Crozet n'est qu'une très courte étape, alors que pour d'autres, c'est le début, ou la fin d'une longue aventure, qui dure parfois un peu plus d'un an. Pour beaucoup ici, surtout pour ceux qui ont « hiverné » en très petit groupe (une petite quarantaine au maximum à Crozet), l'arrivée du bateau signifie une séparation, car certains vont partir. Le passage d'une OP (opération portuaire) est un moment particulier, qui équivaut souvent à un doublement brutal de la population, et qui nécessite un investissement de toutes les personnes présentes sur la base pour assurer la logistique. Le soir, une fête à lieu, dans le local « vie com », pour que ceux qui repartent profitent une dernière fois de la présence de leurs compagnons d'hivernage.

Le retour sur le bateau le lendemain fait une drôle d'impression, celle de revenir « chez soi », car on y retrouve sa cabine, ses affaires, et même ses habitudes ! On quitte l'île en douceur : la traversée vers Kerguelen aura été particulièrement calme, presque une mer d'huile par rapport aux derniers jours...

Les quelques jours de bateau jusqu'à Kerguelen seront l'occasion de faire une visite de la salle des machines du Marion mais également l'occasion de donner, comme le font les scientifiques à bord, une conférence sur mon domaine. J'ai parlé des différents processus d'écriture dans la musique contemporaine et j'ai par exemple pu faire écouter plusieurs œuvres de musique contemporaine à un public qui ne les connaissait pas ou très peu : du Stravinsky, du Berg, Webern, Ligeti ou encore Reich.

L'arrivée à Kerguelen est maintenant très proche : on aperçoit déjà au loin les fantomatiques îles Nuageuses, au nord de l'archipel, au coucher du soleil. Demain nous longerons la côte toute la journée avant d'arriver enfin dans le golfe du Morbihan, à Port-aux-Français, au petit matin le jour suivant.

 

Le Marion Dufresne et l'Île de l'Est
— Le Marion Dufresne et l'Île de l'Est - © J.Gauthier

 

JOURNAL SONORE N°3 : LA SALLE DES MACHINES DU MARION DUFRESNE

Un parcours dans la salle des machines du Marion, avec Sébastien Martin, chef mécanicien. Un vrai labyrinthe de portes et de sons ! Attention, par moments le volume sonore est très élevé.

JOURNAL SONORE N°4 : L'ARCHIPEL DE CROZET

Après une nuit particulièrement agitée, où le vent siffle violemment, c'est enfin l'arrivée au petit matin à la première escale du Marion Dufresne, l'archipel de Crozet. L'hélicoptère emmène les passagers et le ravitaillement pour les mois à venir. Les manchots royaux de la colonie de la baie du Marin se reconnaissent entre eux grâce à leur chant, souvent ponctué par les sons peu gracieux des éléphants de mer !