Une œuvre. Une date. Plus ou moins une coïncidence.
Écouter ce podcast sur Apple Podcasts, Deezer, Google Podcasts ou Spotify.
Tchaïkovski et l'archéologie primitive
À qui s’attelle au Premier Concerto pour piano de Tchaïkovski, on raconte souvent l’épisode douloureux de la veille de Noël 1874, quand le compositeur a joué le premier mouvement à Rubinstein dont il sollicitait un avis sur la technique. Rubinstein a marqué un silence si pesant que, sans qu’il ait encore dit un mot, Tchaïkovski a eu la même impression que s’il lui avait dit quelque chose comme: «Comment voulez-vous que je fasse attention à des détails, alors que votre musique me répugne dans son ensemble?»
Dans une lettre à sa mécène Nadejda von Meck, Tchaïkovski raconte qu’il a insisté pour avoir une réaction plus explicite de Rubinstein –et pour finalement devoir la comparer à celle d’un «Jupiter tonnant» pour qui le concerto n’avait aucune valeur, était injouable et bon à reprendre intégralement, à part, peut-être, deux ou trois pages.
Reprenons: à qui s’attelle à ces quasi-clusters, on ne raconte jamais que les archives de Moscou venaient d’être ouvertes, et qu’à l’été 1874 s’était tenu en Russie un congrès archéologique aux révélations détonantes. Dix jours avant Noël, le 15décembre 1874, on pouvait même lire dans la Revue des Deux Mondes, un article d’Alfred Rambaud qui expliquait qu’à ce congrès, «l’archéologie primitive a tenu une large place» avec «une découverte destinée à faire sensation en Occident»: on avait trouvé dans les sols russes des ossements de mammouth.
«On trouva au même endroit des silex taillés, type du Moustier, des espèces de couteau, des pointes de flèche à trois facettes, une aiguille ou alêne formée d’un os.»
Voilà donc qu’au moment où Tchaïkovski composait son Premier Concerto pour piano, on découvrait que l’homme de la Russie méridionale était déjà présent à la période des mammouths. Puisque le professeur de l’université de Kief, M. Féofilaktof, avait fait savoir cette même année 1874, que les os de mammouth étaient alors trop bien conservés pour qu’on puisse admettre qu’ils aient été transportés par l’action des eaux et appartenaient donc bien à des pachydermes indigènes des terres ukrainiennes.