Distribution
Le saxophoniste et chanteur Thomas de Pourquery fait corps avec le collectif Heat pour revisiter la bande originale du sulfureux film d’animation japonais Belladonna of Sadness, dans la veine ardente d’un jazz contemporain à forte teneur psychédélique.
Fleuron du cinéma d’animation nippon, au style graphique original influencé par l’Art nouveau et le jeu de tarot, Belladonna of Sadness (1973) – réalisé par Eiishi Yamamoto – s’inspire très librement de La Sorcière, essai historique de Jules Michelet. D’un érotisme sophistiqué, ce film (oc)culte distille un puissant parfum de soufre, accentué à merveille par l’entêtante musique originale de Masahiko Sato, riche en volutes psychédéliques. Amorçant pour l’occasion une prometteuse collaboration, Thomas de Pourquery – inclassable explorateur musical – et le collectif Heat – vibrant protagoniste du jazz français actuel – se réapproprient ici cette BO lustrée, ô combien émoustillante. Ensemble, ils se lancent dans une folle équipée sonore et sensuelle, aussi imprévisible que délectable.
Écouter et regarder
On entend évidemment l'érotisme… je ne sais pas, ça aurait pu s'appeler "la vie", aussi. C'est quelque chose de lumineux, de toutes les nuances… Pas que de gris. De bleu, de jaune, de rose, d'arc-en-ciel.
J'ai eu une proposition de la Philharmonie pour venir faire de la musique sur ce vaste sujet de l'érotisme. J'ai fouillé beaucoup la littérature, des bandes originales de films. Très rapidement, j'ai écouté beaucoup de BO de films érotiques dont l'âge d'or est un peu les années 1970. Il y a beaucoup de BO sublimes. Par contre, j'ai été assez peu séduit par les films eux-mêmes. Je les trouvais assez datés et assez peu inspirants, finalement. À l'époque, il y avait beaucoup d'argent dans le cinéma, y compris pour le cinéma érotique et du coup, il y avait beaucoup de sous pour payer les compositeurs et compositrices – enfin, surtout des compositeurs, malheureusement, peu de femmes. Et c'était assez incroyable de voir, je trouve, la différence entre la beauté de ces musiques-là et un peu la pauvreté des scénarios.
Mais en cherchant, je suis tombé sur Belladonna of Sadness. C'est un film japonais, effectivement, qui se passe dans un contexte plutôt européen. Les deux acteurs principaux s'appellent Jeanne et Jean.
Cette jeune femme qui est folle amoureuse de son chéri se fait enlever, et capturer, et violer, et torturer… et devient une chose. Elle réussit à s'enfuir, pactise avec le diable et revient toute brûlée.
Et j'ai été subjugué par l'image, déjà. J'ai eu envie, quelque part, d'écrire la BO de la suite de ce film-là. On ne va pas faire de ciné-concert, on ne verra pas d'image de ce film et je vous invite à le découvrir.
La force de ce personnage, féminin en l'occurrence, qui vient se venger de l'ignominie humaine et de l'ignominie masculine et de tout ce qui s'en suit… Ce rapport de pouvoir, de possession, d'insensibilité à l'autre. Ça sert la cause de cette femme – évidemment, c'est la vengeance de cette femme – mais avec elle, c'est la vengeance de toutes les femmes et avec toutes les femmes, c'est la vengeance de tous les opprimés, et avec tous les opprimés… Voilà, on peut extrapoler et c'est en cela que ça devient inspirant, je pense, pour tout le monde. C'est la quête de la lumière et, comme disait une grande poétesse, craquer une allumette dans l'obscurité, c'est ce qui permet de vaincre les ténèbres.
J'ai ressenti, à l'écoute de la BO, beaucoup de choses qui me parlaient. Évidemment, ça a trait à toute cette époque ultra psychédélique – qu'elle touche au jazz, au rock ou à la musique contemporaine ou aux prémisses de l'électronique… Il y a tout ça là-dedans. C'est ultra psyché, ultra free. Ça m'a évoqué Sun Ra, beaucoup, mais aussi des groupes comme Can ou Deep Purple ou… Enfin, voilà, je pourrais vous en citer énormément. Ou plus récemment, des groupes comme les Flaming Lips qui sont eux aussi très inspirés par tout ça.
Avec Supersonic, mon groupe, j'avais déjà revisité une partie de cette époque, en tout cas des seventies, avec la musique de Sun Ra – qui a commencé bien plus tôt mais qui a été un acteur majeur de cette époque-là.
J'ai rencontré ces musiciens extraordinaires : Axel Godron, Arthur Delaleu, Emma Hocquellet et François Rosenfeld qui sont de jeunes musiciens et musiciennes passionnantes et passionnants et qui partagent avec moi le goût du voyage et qui jouent autant du jazz que des chansons, que des créations contemporaines.
Ensuite, on m'a proposé cette carte blanche. J'ai découvert Belladonna et le son de cette BO m'a tout de suite évoqué le son de ces musiciennes et musiciens dont je viens de vous parler, avec lesquels on avait fait quelques sessions. Et ça a été très évident. Vraiment, j'ai tout de suite imaginé ces gens-là jouer cette musique.
On s'inspire de cette BO, c'est-à-dire qu'on va reprendre quelques grandes thématiques musicales de la BO, mais aussi des choses plus personnelles que j'ai écrites, humblement pour vous servir.
Cette BO est principalement instrumentale. Je retrouve avec bonheur mes instruments, mes deux saxophones – le soprano et l'alto. Je peux vous dire d'ores et déjà que nous chanterons toutes et tous sur scène, tous les cinq, régulièrement, pour vous, avec joie et dévotion.
Salle des concerts - Cité de la musique
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