Varèse
Programme
Composition : 1936 (révision en 1946)
Création : le 16 février 1936 au Carnegie Hall de New York, lors d’un concert au bénéfice du Lycée français de New York, par Georges Barrère.
Durée : environ 4 minutes.
En 1936, deux compositeurs révolutionnent l’écriture pour la flûte : André Jolivet, avec ses Cinq Incantations, et son professeur Edgard Varèse, auteur de Density 21,5. Deux partitions pour instrument seul, sans soutien harmonique, dont la ligne mélodique tourne autour de notes pivots, exploite la répétition et la variation de brefs motifs. Mais Varèse utilise davantage d’intervalles disjoints, de sauts de registre et de contrastes de nuances subito. Il exclut la couleur pastorale, la référence à l’Antiquité et les mélismes orientalisants auxquelles la flûte est si souvent associée. Son titre rappelle que la pièce était commandée par Georges Barrère, qui venait d’acquérir une flûte en platine (métal dont la densité est de 21,5) : un titre « scientifique » comme les aime Varèse, qui tourne délibérément le dos à l’héritage romantique et aux évocations impressionnistes.
Il semble que Density 21,5 soit la première oeuvre pour flûte dont l’interprète doit faire entendre des bruits de clefs, afin d’ajouter un effet percussif à l’émission des notes. Repoussant les limites de l’instrument, Varèse s’attaque de surcroît aux racines même de son identité.
Hélène Cao
Composition : 1918-1929.
Création de la première version : le 9 avril 1926, à Philadelphie, Academy of Music, par l’Orchestre de Philadelphie, sous la direction de Leopold Stokowski.
Création de la deuxième version : le 30 mai 1929, Paris, Salle Gaveau, par l’Orchestre des Concerts Poulet, sous la direction de Gaston Poulet.
Effectif : 3 flûtes (la 3e aussi flûte piccolo et flûte en sol), 2 flûtes piccolos, 3 hautbois, cor anglais, heckelphone, 3 clarinettes, petite clarinette, clarinette basse, 3 bassons, 2 contrebassons – 8 cors, 6 trompettes, 3 trombones, trombone basse, trombone contrebasse, tuba, tuba contrebasse – 2 timbales, percussions, célesta, 2 harpes – cordes.
Durée : environ 24 minutes.
En 1927, Edgard Varèse devint citoyen américain. À cette date, il termina la révision d’Amériques, la première œuvre qu’il jugea digne de figurer à son catalogue. Non parce qu’elle rendait hommage au pays où il s’était installé douze ans plus tôt, mais parce qu’elle concrétisait son aspiration à une musique libérée des structures traditionnelles, refusant le clivage entre consonance et dissonance, entre son et bruit. L’orchestre, d’une ampleur considérable, accorde un rôle de premier plan aux vents et aux percussions. Les masses sonores varient en intensité et en densité, se heurtent de façon souvent très violente, renouvelant de la sorte la façon de conduire un discours musical. Dans une conférence prononcée en 1939, Varèse souligne que ses œuvres sont fondées sur « une idée, la base d’une structure interne, qui se développe et éclate en différents modules ou groupes de sons changeant sans cesse de force, de direction et de vitesse, attirés et repoussés par diverses forces ».
Amériques affirme une modernité en phase avec l’environnement urbain de l’homme du XXe siècle. Toutefois, elle ne vise pas à une transposition de la frénésie des mégapoles. Au lendemain de la création de la première version de l’œuvre, en 1926, Varèse affirma à un journaliste : « Cette composition est l’interprétation d’un état d’âme, une pièce de musique pure, absolument dissociée des bruits de la vie moderne que certains critiques ont voulu reconnaître dans ma composition. À tout prendre, le thème est une méditation, c’est l’impression d’un étranger qui s’interroge sur les possibilités extraordinaires de votre nouvelle civilisation ». D’ailleurs, les répétitions incantatoires de brèves formules mélodiques autour d’une note-pivot (la flûte au début) semblent réinventer un rituel primitif. Paradoxe de la modernité urbaine, qui renvoie à une musique originelle.
Hélène Cao
Sous la direction d’Alain Altinoglu, l’Orchestre de Paris interprète deux pièces phare d’Edgard Varèse : Densité 21.5 et Amériques.
Célèbre partition pour flûte seule, Densité 21.5 fait littéralement exploser les limites de l’instrument en termes de modes de jeu, d’articulation, de dynamique. Impression d’inouï encore renforcée dans Amériques, ici jouée dans la version de 1929 : dans cette pièce paroxystique, Varèse déclenche, avec les percussions à découvert, la tension maximale, les sirènes, tout le feu de l’orchestre.
Coproduction Philharmonie de Paris, Ircam-Centre Pompidou
Dans le cadre de Manifeste-2023, Festival de l'Ircam
Avec le soutien de la Villa San Francisco, de la French American Cultural Society, de la Fondation Royaumont et de la SACEM.