Au redoutable défi que constitue toujours la tentative de faire rentrer l’orchestre symphonique dans l’objectif d’une caméra, François-René Martin et Gordon répondent par un film d’une rare élégance esthétique, au service d’une dramaturgie profondément originale.

Procédant d’une idée d’Eric Picard, violoncelle solo de l’Orchestre de Paris, Quinte et sens joue sur le dialogue entre les quatre éléments distingués par les penseurs antiques (feu, terre, eau, air), auxquels Aristote, dans sa Métaphysique, croyait pouvoir ajouter une quinte-essence, la mystérieuse décantation des précédentes qui n’existerait que dans les espaces interstellaires… Des entrailles de la Philharmonie, où se prépare l’Adoration de la terre selon Stravinsky, jusqu’au mat de vigie des toits fendant La Mer de Debussy et les vagues de béton du périphérique, les musiciens de l’Orchestre de Paris se sont passionnément lancés dans cette aventure sans parole, suite musicale et visuelle qui est aussi une ode à leur salle. Kaléidoscope de matériaux post-industriels, de reflets, de transparences, le bâtiment de Jean Nouvel entre en résonance avec des œuvres qui évoquent tour à tour les grondements telluriques primitifs et le silence des espaces infinis. Nullement effrayés par ces derniers, les instrumentistes composent, dans l’audace des dispositions géométriques adoptées, un éblouissant ballet sans chef, enrichi des individualités captées en gros plan, loin de l’insistance lourde qu’on a vu ailleurs, mais avec une admirable puissance expressive.

Un film de François-René Martin et Gordon.
Sur une idée originale d'Éric Picard, violoncelle solo de l'Orchestre de Paris.
Coproduction Camera Lucida et Cité de la musique – Philharmonie de Paris.
Avec le soutien du Cercle de l’Orchestre de Paris.
Diffusé sur Arte le 24 janvier 2021