Matthias Pintscher et l'Ensemble intercontemporain présentent l'opéra 4.48 Psychosis en version de concert. Rencontre avec le compositeur Philip Venables qui a adapté la dernière pièce de théâtre écrite par la dramaturge anglaise Sarah Kane.
4.48 Psychosis, premier opéra de Philip Venables créé en 2016, est le fruit d’une résidence de trois ans du compositeur-doctorant au Royal Opera House et à la Guildhall School of Music and Drama de Londres : un temps qui a été propice à la réflexion et au travail de terrain du musicien pour concrétiser sa vision d’un nouveau type d’opéra.
« J’ai passé un temps long à penser à une pièce originale et à chercher un écrivain avec lequel collaborer », confie-t-il, « mais finalement j’ai réalisé que 4.48 Psychosis de Sarah Kane contenait à peu près tout ce que je recherchais, en matière de contenu et de forme ». Pièce de théâtre posthume de l’écrivaine britannique qui se suicide à vingt-huit ans, 4.48 Psychosis fait vivre dans la tête du personnage l’expérience de la dépression et les états émotionnels extrêmes de la psychose à cet instant particulièrement critique de l’aube (4h48) où l’esprit est lucide et le désespoir le plus profond. La polyvalence du texte sans frontière de Sarah Kane où les personnages ne sont pas définis, autant que sa typographie singulière, appelant la variété des registres, et l’espace de liberté laissé à l’interprétation enflamment l’imagination de Philip Venables. Écrit pour six chanteuses et douze instrumentistes, l’opéra donne à entendre ces dialogues intérieurs non dénués de violence à travers une voix plurielle, parlée autant que chantée, et parfois juste rythmée.
En vingt-quatre scènes, 4.48 Psychosis décrit les états émotionnels extrêmes de la psychose. 4h48 marque l’instant entre deux prises de médicaments, lorsque l’effet d’une dose est presque épuisé et que l’absorption de la dose suivante est encore à venir : un espace de temps de la plus grande lucidité et en même temps du plus profond désespoir.
Dialogues intérieurs, cours des pensées, fragments de mémoire, aveux d’amour, accès d’agressivité contre soi-même et de haine contre le reste du monde, manifestations de nostalgie et de désespoir, procès-verbaux sur les feuilles de maladie, résultats d’analyses médicales et listes de médicaments : tel est le fossé perçu comme insurmontable entre le corps et l’âme.
À partir de textes sans personnages concrets et sans intrigue définie, six chanteuses et douze instrumentistes rendent visible et tangible une situation à peine compréhensible dans des scènes musicales mêlant chant, enregistrements, textes parlés, séquences de films et coulisses sonores.
Coproduction Festival d'Automne à Paris, Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris