Il est des anniversaires que l’on aimerait ne jamais fêter, comme celui qui marque deux années de lutte et de résistance du peuple ukrainien contre l’offensive des troupes russes. Entre le 24 février 2022 et le 25 janvier 2024, 1938 infrastructures culturelles ont été endommagées, dont 314 totalement détruites. La vie culturelle en Ukraine s’est également vue entaillée de bon nombre de ses acteurs– musiciens et chefs d’orchestre, écrivains, metteurs en scène, danseurs, réalisateurs, poètes, traducteurs, critiques, historiens et cadres du monde de la culture.
Une retransmission en simultané depuis la Philharmonie nationale d’Ukraine
Ce jour commémoratif du 24 février 2024, s’il est funeste, n’en est pas moins le témoignage d’une identité culturelle qui continue, malgré les bombes, à exister. Et vaut pour cela la peine d’être ébruité. Il atteste aussi des liens durables qui ont été noués dès avril 2022 par la Philharmonie de Paris avec la communauté musicale ukrainienne. L’établissement parisien est, ce 24 février, partenaire de la retransmission simultanée dans le monde entier, via la chaîne YouTube de la Philharmonie nationale d’Ukraine et le site Philharmonie Live, d’un concert donné dans l’institution ukrainienne devant un public restreint par l’Orchestre Symphonique de la Philharmonie Nationale d’Ukraine placé sous la direction de Sergii Golubnychyi.
Au programme, des œuvres à la symbolique forte comme l’ouverture Leonore III de Beethoven, dont la résonance avec l’opéra Fidelio et le caractère héroïque clament la liberté, et Aux confins de l’orage de Camille Pépin, toute d’éclats de lumière au bord du gouffre. Ces deux œuvres sont mises en regard avec des pièces de compositeurs ukrainiens contemporains: le Concerto pour violon n°2 de Yevhen Stankovych, connu depuis peu des Européens, doit son ton tragique à la Révolution orange de 2004 qui en a inspiré la composition. Comme son compatriote, Victoria Poleva n’a pas quitté Kyiv depuis le début de la guerre. Son œuvre Bucha. Lacrimosa perpétue la mémoire des civils torturés par l’armée russe en avril 2022 à Bucha, dans la banlieue de Kyiv. «Un témoignage de la perte du paradis de l’humanité», selon la compositrice.
Un soutien durable et efficace depuis deux anS
Cette retransmission s’inscrit dans la continuité de l’engagement de la Philharmonie de Paris défendu par Sarah Koné, Directrice déléguée auprès de la Direction générale en charge de la responsabilité sociétale et des nouveaux projets, et coordonné par Anna Stavychenko. Grâce à la mobilisation d’un large réseau d’orchestres, de mécènes, d’associations et de partenaires, la Philharmonie a pu depuis deux ans apporter son soutien à des musiciennes laissées sans travail, sans orchestre et sans ressources.
Cette action, d’emblée envisagée à long terme, a permis à plusieurs dizaines de musiciennes exilées d’être intégrées à des orchestres français nationaux ou régionaux, de bénéficier de prêt d’instruments mais aussi d’une aide dans leurs démarches administratives ou leur hébergement. De pouvoir poursuivre leur carrière professionnelle, même si l’avenir reste incertain et le traumatisme vif.