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Saison 23/24 : Bertrand Chamayou à la Philharmonie de Paris

Publié le 13 septembre 2023 — par Bertrand Boissard

— Bertrand Chamayou à la Philharmonie de Paris | Saison 23/24

Saison 23/24

Bertrand Chamayou à la Philharmonie de Paris

C'est vraiment un projet qui va du concert d'ouverture jusqu'à quasiment la clôture de la saison. Et dans cette maison qui m'est très chère, la Philharmonie, puisque depuis le tout début, je suis de l'aventure, donc là, c'est un peu une année de consécration, avec des œuvres qui me sont chères et beaucoup de nouveautés pour moi aussi. Le point de démarrage, c'est avec Prokofiev et Stravinski. Le point final, si je puis dire, est avec John Cage, et au milieu, effectivement, une sorte de voyage qui nous fait passer par tout un tas de choses. Le point central étant le récital de piano, où, effectivement, comme on est dans la grande salle, je me suis dit, moi qui ai tendance à prendre les chemins de traverse, je vais aller vers quelque chose plus... non pas consensuel, mais un peu plus... "mainstream", comme on dit, c'est-à-dire avec quelques tubes du classique, dont la Fantaisie de Schumann, le Gaspard de la nuit de Ravel, etc. Mais surtout des œuvres qui, pour moi, reflètent un peu mon parcours, de manière condensée, la musique contemporaine en moins, qui va être plus réservée à ce que je fais avec John Cage, notamment. Un projet un peu transversal, chorégraphique. Mais cette soirée-là, ce sera tous mes compositeurs un peu porte-bonheur : Liszt, Ravel, avec des histoires que j'écris autour d'eux. Et effectivement, je dirais que la saison s'éclate un peu autour de ça. Ravel nous renvoie d'une certaine manière à ce début du XXe siècle avec Stravinski et aussi Prokofiev. Le romantisme nous renvoie à Dvořák, qui est une vraie nouveauté pour moi. Et quand je parle de romantisme, il y a effectivement Schumann, mais aussi un compositeur moins joué, Balakirev, qui sera dans mon récital. Je suis un artiste qui a tendance à être un peu multi-facettes, depuis toujours. C'est ma qualité et mon défaut. J'ai tendance à vouloir tout faire, beaucoup de choses très différentes. L'intérêt qu'il y ait autant de projets, c'est de pouvoir exprimer mon éclectisme et en même temps, la cohérence qu'il y a entre tous ces projets. Je pense que pour les gens qui vont suivre le parcours, - j'espère que les gens vont suivre tout le parcours - effectivement, il y aura une logique, il y aura quelque chose qui va réunir ces projets en apparence totalement dissemblables.

Entretien : Tristan Duval-Cos
Réalisation : Clément Gaultier-Falguière – Imaginé productions
Montage : Laurent Sarazin – Imaginé productions
© Cité de la musique – Philharmonie de Paris

Le pianiste français donne la mesure de son éclectisme au cours de cinq rendez-vous résonnant comme autant d’aventures.

Jamais là où on l’attend, Bertrand Chamayou ne cesse de surprendre par sa capacité à se confronter aux répertoires les plus variés, à multiplier les collaborations inattendues, et ce dans les configurations les plus diverses: on en aura une preuve supplémentaire lors de la saison 2023/24 de la Philharmonie de Paris, au cours de laquelle il aura l’occasion de décliner la vaste palette de ses talents. 

Cette manière de résidence débute les 6 et 7 septembre par l’épreuve du concerto, en compagnie de l’Orchestre de Paris, dont il est un invité régulier, et de son directeur musical, Klaus Mäkelä. Au menu: le Concerto pour piano n°1 de Prokofiev, un compositeur auquel on accole rarement le nom du pianiste. Particulièrement dense et exigeante pour le soliste, la partition est l’œuvre d’un musicien de 20 ans, et porte en germe toutes les caractéristiques de son style acéré, vigoureux et explosif.

C’est ensuite en récital qu’on le retrouve le 14 décembre, dans un programme pensé autour du thème de la «fantaisie». À la Fantaisie op.17 de Schumann, sommet du romantisme empreint d’une intense charge émotionnelle, succèdent les trois volets de cet autre monument du piano, du XXe siècle cette fois-ci, ce Gaspard de la Nuit inspiré du recueil d’Aloysius Bertrand –sous-titré «Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot»–, où se côtoient la féerie, le macabre et le fantastique. Quoi de plus naturel d’entendre ensuite le flamboyant Islamey de Balakirev, une «fantaisie orientale» dont Ravel avait voulu dépasser la virtuosité dans Scarbo, la dernière partie de Gaspard.

C’est un concert d’essence là aussi nocturne, mais sur un mode plus intime, que Bertrand Chamayou propose ensuite, le 7 janvier. En compagnie d’Elsa Dreisig, ces «Roses dans la nuit» dispensent un panorama de mélodies pour chant et piano signées de plusieurs compositrices du XIXe siècle et du début du suivant: si les noms d’Amy Beach, de Pauline Viardot, de Mel Bonis, de Nadia et Lili Boulanger sont connus, les pages de Marguerite Canal et Laura Netzel seront une découverte.

Le 23 mars signe le retour du soliste, cette fois en compagnie du Czech Philharmonic, dirigé par Semyon Bychkov. Il aura à cœur de défendre le Concerto pour piano de Dvořák, un ouvrage à la dimension poétique évidente qui reste cependant négligé malgré, dans le passé, la contribution discographique importante de Sviatoslav Richter et Carlos Kleiber.

Les 3 et 4 juin résonnera enfin la musique à nulle autre pareille de John Cage au cours d’un spectacle pluridisciplinaire où, aux timbres incomparables du piano préparé du créateur américain, se mêlera la chorégraphie d’Élodie Sicard. Une expérience singulière et un hommage à un compositeur au cœur des préoccupations du pianiste français (il figure, en compagnie d’Erik Satie, au centre de son prochain album), plus soucieux que jamais de jeter des ponts entre les œuvres, les styles et les arts.

Bertrand Boissard

Bertrand Boissard écrit depuis 2010 pour le magazine Diapason. Il est un intervenant régulier de la Tribune des critiques de disques (France Musique).

  • Texte : Bertrand Boissard
  • Entretien : Tristan Duval-Cos
  • Réalisation : Clément Gaultier-Falguière - Imaginé productions
  • Montage : Laurent Sarazin - Imaginé productions
  • © Cité de la musique - Philharmonie de Paris