Jamais là où on l’attend, Bertrand Chamayou ne cesse de surprendre par sa capacité à se confronter aux répertoires les plus variés, à multiplier les collaborations inattendues, et ce dans les configurations les plus diverses : on en aura une preuve supplémentaire lors de la saison 2023/24 de la Philharmonie de Paris, au cours de laquelle il aura l’occasion de décliner la vaste palette de ses talents.
Cette manière de résidence débute les 6 et 7 septembre par l’épreuve du concerto, en compagnie de l’Orchestre de Paris, dont il est un invité régulier, et de son directeur musical, Klaus Mäkelä. Au menu : le Concerto pour piano n° 1 de Prokofiev, un compositeur auquel on accole rarement le nom du pianiste. Particulièrement dense et exigeante pour le soliste, la partition est l’œuvre d’un musicien de 20 ans, et porte en germe toutes les caractéristiques de son style acéré, vigoureux et explosif.
C’est ensuite en récital qu’on le retrouve le 14 décembre, dans un programme pensé autour du thème de la « fantaisie ». À la Fantaisie op. 17 de Schumann, sommet du romantisme empreint d’une intense charge émotionnelle, succèdent les trois volets de cet autre monument du piano, du XXe siècle cette fois-ci, ce Gaspard de la Nuit inspiré du recueil d’Aloysius Bertrand – sous-titré « Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot » –, où se côtoient la féerie, le macabre et le fantastique. Quoi de plus naturel d’entendre ensuite le flamboyant Islamey de Balakirev, une « fantaisie orientale » dont Ravel avait voulu dépasser la virtuosité dans Scarbo, la dernière partie de Gaspard.
C’est un concert d’essence là aussi nocturne, mais sur un mode plus intime, que Bertrand Chamayou propose ensuite, le 7 janvier. En compagnie d’Elsa Dreisig, ces « Roses dans la nuit » dispensent un panorama de mélodies pour chant et piano signées de plusieurs compositrices du XIXe siècle et du début du suivant : si les noms d’Amy Beach, de Pauline Viardot, de Mel Bonis, de Nadia et Lili Boulanger sont connus, les pages de Marguerite Canal et Laura Netzel seront une découverte.
Le 23 mars signe le retour du soliste, cette fois en compagnie du Czech Philharmonic, dirigé par Semyon Bychkov. Il aura à cœur de défendre le Concerto pour piano de Dvořák, un ouvrage à la dimension poétique évidente qui reste cependant négligé malgré, dans le passé, la contribution discographique importante de Sviatoslav Richter et Carlos Kleiber.
Les 3 et 4 juin résonnera enfin la musique à nulle autre pareille de John Cage au cours d’un spectacle pluridisciplinaire où, aux timbres incomparables du piano préparé du créateur américain, se mêlera la chorégraphie d’Élodie Sicard. Une expérience singulière et un hommage à un compositeur au cœur des préoccupations du pianiste français (il figure, en compagnie d’Erik Satie, au centre de son prochain album), plus soucieux que jamais de jeter des ponts entre les œuvres, les styles et les arts.