À tout seigneur tout honneur, ce sont les Berliner Philharmoniker qui inaugurent le 2 septembre la saison 2023/24 de la Philharmonie de Paris. Dirigée par son directeur musical Kirill Petrenko, la phalange adulée revient après deux ans d’absence. À son programme, deux massifs imposants du répertoire germanique : les peu fréquentées Variations et Fugue sur un thème de Mozart de Max Reger de 1915 et Une vie de héros, l’un des ouvrages les plus flamboyants de Richard Strauss.
Le 8 septembre, le Boston Symphony Orchestra propose pour son retour parisien un programme particulièrement apte à mettre en valeur la beauté et la ductilité de ses pupitres : après le Concerto en fa de Gershwin, sous les doigts virtuoses de Jean-Yves Thibaudet – l’un des pianistes français les plus célébrés outre-Atlantique –, vient la Symphonie n° 5 de Prokofiev, impressionnante machinerie orchestrale que fera sans nul doute briller de mille feux Andris Nelsons, à la tête depuis près de dix ans de l’orchestre fondé en 1881.
C’est à une soirée particulièrement festive que nous convoquent le lendemain Ricardo Castro et le POP Orchestra (Peace Orchestra Project), un ensemble réunissant des musiciens issus du programme brésilien Neojiba avec d’autres jeunes venus d’Italie et du monde entier. Son créateur, Federico Gad Crema, est le soliste – avec la légende vivante Martha Argerich – de l’un des plus célèbres concertos pour deux pianos : celui de Poulenc, une partition particulièrement spirituelle. Le programme débute par l’effervescente Ouverture de Candide de Bernstein, pour s’achever par L’Oiseau de feu de Stravinski.
Le 12 septembre, l’Israel Philharmonic Orchestra fait escale dans la capitale. Sous la baguette de Lahav Shani, l’un des chefs les plus doués de la jeune génération et son directeur musical depuis 2020, il interprète la Symphonie n° 1 de Brahms et le Concerto pour violon de Tchaïkovski, sous l’archet de Gil Shaham, une figure familière et bien-aimée du public parisien.
Six jours plus tard, Les Dissonances poursuivent leur parcours singulier avec trois joyaux du répertoire : La Mer de Debussy, le Poème pour violon et orchestre de Chausson et, pour finir, Pelléas et Mélisande de Schönberg, sommet envoûtant du post-romantisme. En soliste comme à la direction, celui qui demeure l’âme de cette formation atypique : David Grimal.
Quant à l’Orchestre de Paris, il fait feu de tout bois, avec pas moins de quatre programmes différents. Son charismatique directeur musical, Klaus Mäkelä, dirige le premier (6 et 7 septembre), l’occasion d’entendre trois partitions russes importantes. Tout d’abord, le familier Petrouchka, l’une des créations les plus mordantes et inventives de Stravinski, que Bertrand Mandico – un nom important du cinéma français (son film Les Garçons sauvages fut consacré meilleur film de l’année 2018 par les Cahiers du cinéma) – contribue à mettre sous une lumière nouvelle, en le transposant dans le milieu de la mode. Bertrand Chamayou est ensuite le soliste du brillant et vigoureux Concerto n° 1 de Prokofiev, magistrale entrée en matière du compositeur dans le monde concertant. Autre événement, l’exécution des Cloches de Rachmaninoff d’après Edgar Poe, l’un des chefs-d’œuvre de son auteur, allégorie des quatre âges de la vie que parcourt le thème du Dies iræ. La difficulté de sa mise en place et son effectif peu banal – l’œuvre requiert orchestre, chœur et trois chanteurs solistes – expliquent sa rareté en concert.
Après ces deux soirées à marquer d’une pierre blanche, celles des 13 et 14 septembre célèbrent le retour de Semyon Bychkov à la tête de l’orchestre dont il fut le directeur musical entre 1989 et 1998. Au programme, la Symphonie n° 3 de Mahler, un monument du répertoire orchestral. Quant aux concerts des 20 et 21 ils réunissent, sous la baguette d’Elim Chan, Schéhérazade de Rimski-Korsakov, le Concerto pour percussions de Daníel Bjarnason – l’un des rares du genre – et une œuvre d’Isaac Strauss d’après Offenbach.
Paavo Järvi, un autre ancien directeur de l’orchestre, vient clore ces premières semaines de programmation les 27 et 29 septembre. En soliste, Renaud Capuçon défend le peu fréquenté Concerto de Richard Strauss, avant que ne retentisse la Symphonie en ré mineur de César Franck, partition familière entre toutes d’un Orchestre de Paris qui l’a enregistrée à trois reprises – successivement avec Herbert von Karajan, Daniel Barenboim et Semyon Bychkov. La conclusion glorieuse d’une rentrée particulièrement dense.