Chassol présente un concert inédit articulé autour d’une sélection d’Ultrascores, harmonisations musicales audiovisuelles issues de sa culture pop.
Jeune quadragénaire, Chassol (Christophe, de son prénom) compte parmi les représentants les plus marquants de la scène musicale française contemporaine. Formé au Conservatoire, il se montre rétif à tout académisme et laisse libre cours à ses multiples influences. Dans son panthéon personnel, dont sa chronique hebdomadaire sur France Musique (chaque jeudi, 8h50) permet de mesurer l’ampleur, Burt Bacharach et les Beatles ont autant d’importance que Maurice Ravel, Igor Stravinski, Miles Davis, Ennio Morricone ou Steve Reich. Chez lui, la distinction entre le savant et le populaire s’abolit au nom d’une passion sans limites pour la création musicale – une passion qu’il s’emploie à rendre toujours plus communicative.
Chef d’orchestre, interprète (avec le piano et les claviers comme instruments de prédilection), arrangeur ou producteur, il explore ainsi depuis le mitan des années 1990 un univers sonore résolument décloisonné, marqué en outre par la place essentielle qu’il accorde aux images en mouvement. Après avoir œuvré dans l’ombre en signant de nombreuses musiques de commande (pour le cinéma, la télé, la pub ou la scène), il se révèle pleinement en tant que compositeur avec la sortie de X-Pianos en 2012. Paru sous le label Tricatel, comme ses disques ultérieurs, ce premier album hors normes (33 morceaux répartis sur un double CD) reflète toute la richesse de sa gamme et laisse imaginer l’étendue de ses possibilités.
Mû par une curiosité et une énergie débordantes, il forge alors un concept nouveau, baptisé « ultrascore » et inscrit dans une perspective « d’harmonisation du réel ». Selon la propre définition de Chassol, « un ultrascore, c’est une musique de film qui utilise tous les sons du film pour se construire elle-même » : une bande ultra originale, en quelque sorte. Pièces foncièrement hybrides, les ultrascores se fondent sur une synergie totale entre images et sons, qu’il s’agisse des sons enregistrés au moment du tournage ou de nouveaux sons produits sous l’effet de manipulations diverses au montage – la composition musicale se constituant ensuite à partir de ces différents sons. Quant à la matière première filmique, elle provient de sources extérieures (films, clips, vidéos trouvées sur Internet, etc.) ou de Chassol lui-même.
Devenu réalisateur-compositeur-interprète, il a ainsi déjà mené à bien plusieurs projets de films-disques qui l’ont amené dans divers endroits du monde : Nola Chérie (à La Nouvelle-Orléans), Indiamore (en Inde) et Big Sun (à La Martinique, terre de ses ancêtres). Films et disques ont une existence autonome mais sont intimement liés. Chaque projet prend toute sa dimension sur scène, où la musique est (ré)interprétée live par Chassol, en interaction constante avec les images.
À l’occasion du Week-end Musiques à l’image, la Philharmonie de Paris invite le public à s’immerger dans les ultrascores de Chassol via un concert avec images au contenu inédit. L’élément principal en est Animal conducteur, portrait filmé et « harmonisé » de Jean-Claude Casadesus, l’un des plus prestigieux chefs d’orchestre français, auquel Chassol porte une grande admiration. Il l’a filmé au travail, en train de répéter L’Oiseau de feu de Stravinski et le Boléro de Ravel, et a ensuite conçu un ultrascore à partir du matériau filmé.
« J’harmonise tout ce qu’il dit à l’orchestre, je le fais danser aussi mais il danse déjà beaucoup, explique Chassol. J’avais envie de filmer un chef d’orchestre depuis longtemps. Quand j’ai commencé à réaliser des vidéos d’harmonisation, je prenais un peu tout ce qui se présentait et me plaisait. J’en avais notamment fait une avec le chef russe Valery Gergiev, qui dirigeait l’orchestre de Rotterdam, et j’avais beaucoup aimé harmoniser un chef et son rapport à la musique. »
Tourné en 2009, le film a été finalisé seulement quelques années après et a été présenté pour la première fois sous forme d’ultrascore en 2017, dans le cadre du Lille Piano(s) Festival. S’y ajoute une sélection disparate de courtes vidéos, retravaillées pour le live. Chassol est l’auteur de certaines d’entre elles, notamment une vidéo tournée à Venise avec des adolescentes qui chantent dans la rue et une autre en Inde avec des enfants qui récitent des textes religieux. Parmi les autres vidéos utilisées ici se trouve, par exemple, un extrait du Phantom of the Paradise (1974) de Brian de Palma.
Avec le renfort rythmique de son fidèle compagnon de scène, le batteur Mathieu Edward, Chassol – aux claviers – entraîne les spectateurs-auditeurs dans un flux continu de sons et d’images, dont l’inventivité crépitante est une source d’exaltation constante.